Résumé :
" Il en va de mon pays comme de l'enfance : quand on en passe la frontière c'est pour toujours. On n'y revient qu'en touriste ou en passager clandestin, et je redoute d'endosser la vulgarité de l'un, l'illégitimité de l'autre. "
Un jardin pour royaume explore le thème universel de la fin de l'enfance et la fragilité des utopies familiales. Au départ de sa dernière fille, la narratrice revient dans le Pays de Valois, au château d'Ermenonville. C'est là, à la lisière du parc où Rousseau vécut ses derniers jours, que ses parents ont choisi de s'installer dans les années 1980 pour élever leurs enfants à l'écart de l'effervescence du siècle, au plus près de la nature. Mais peut-on vraiment échapper à la course du monde ? Pendant dix jours, elle va arpenter les vestiges de cette utopie et se laisser submerger par le temps de l'enfance. Non pas pour s'en imposer le deuil, mais pour lui redonner sa vraie place. Un roman d'une sincérité bouleversante.
Mon avis :
Quand la narratrice arrive sur les lieux de son enfance, elle a fini son travail de mère… Elle a élevé ses enfants qui ont quitté le nid et elle ressent le besoin de couper les ponts quelques jours, et de retrouver, elle aussi ce nid.
Elle prétexte de finir sa thèse abandonnée pour maternité et repart dans son village d’enfance, proche du parc du château d’Ermenonville, lieu de résidence d’un certain Jean-Jacques Rousseau, qu’elle n’aime pas particulièrement (on est deux) !
Là, elle se replonge dans la vie selon ses parents, à la campagne, entre traditions et modernité mesurées ; l’école communale, les champs, les oiseaux, la lecture, les amis, enfants des paysans du coin, la pudeur d’un parent, la modestie maladive de l’autre, et elle, cet enfant libre et qui va voir son royaume être entouré de monstres bétonnés (Eurodisney, gare TGV, centres commerciaux immenses) qui grappillent les terres, les pâturages et l’enfance insouciante.
La narratrice prolonge son séjour et arpente le parc en se (nous) posant la question : quand l’enfance disparaît ? Quel point de non-retour connaissons- nous ?
La plume de Gwenaële Robert est toujours délicate, poétique et nous enchaîne aux pas de son personnage en alternant les réflexions sur la vie, sur un Rousseau vieillissant, nature mais abject aussi (l’abandon de ses enfants, sans remord, ni regret), et cette relation entre passé et présent, encore ce que l’on avait et ce qu’on a perdu.
Pour tous ceux qui ont eu un jardin pour royaume, ce roman est un beau moment de temps suspendu qui mêle mélancolie, littérature, espoirs, désespoir et cette part d’enfance à conserver ad vitam aeternam.
L’écriture de Gwenaële Robert fait que l’on peut se perdre dans ce jardin entre Rousseau et le plaisir désuet de la campagne d’autrefois, sans pour autant oublier la modernité et le temps qui presse d’aujourd’hui.