Résumé :
« Je marchais à pas lents de bout en bout dans la Maison, et la traîne de fourrure me suivait comme un lourd serpent louvoyant. Bêtes fauves, bois de camphre, pin qui brûle et pain qui fume, j’emplissais la Maison de chaleur et de lumières. J’en étais la force vitale, l’organe palpitant dans un thorax de charpentes et de pignons. »
Hantée par un âge d’or familial, une femme décide de passer toute son existence dans la grande maison de son enfance, autrefois si pleine de joie. Pourtant, il faudra bien, un jour ou l’autre, affronter le monde extérieur. Avant de choisir définitivement l’apaisement, elle nous entraîne dans le dédale de sa mémoire en classant, comme une aquarelliste, ses souvenirs par saison. Que reste-t-il des printemps, des étés, des automnes et des hivers d’une vie ?
Mon avis :
Isadora est une vieille dame qui vit dans une maison de retraite. A son grand dam… Elle s’est obligée à le faire à cause de son incapacité à rester vivre dans sa grande Maison familiale, seule, tout au long des saisons. Elle s’est esseulée, volontairement pendant des années, et à profiter des rentes familiales pour s’y enfermer… pourtant l’âge avançant, les moyens s’épuisant, elle a eu conscience de ne pas pouvoir continuer à tout faire seule. Du moment où elle a demandé de l’aide, a fait entrer des tiers… Elle n’a plus eu le choix que de partir.
En fait, Isadora nous ouvre les portes de sa Maison (un être vivant à part entière) et déroule sa vie, sa famille, ses amours, ses joies, ses peines, ses emmerdes et cette solitude visée à la Maison, qu’elle a décidé de ne plus quitter… autant par égoïsme que pour garder les souvenirs chéris et se couper des autres afin de vivre dans son passé, avec ses fantômes et ceux qui manquent.
Au gré des saisons, on apprend qui a fait quoi, qui a déçu, qui a fait rire, qui a été trahi, qui est mort. La vie de tous en somme… sauf que cette Maison est là, le personnage central, qui nous pose la question sur les ressassements d’Isadora à son égard. Pourquoi mène-t-elle cette guerre perdue d’avance ?
Perrine Tripier a une belle écriture en spirale pour un premier roman ; c’est érudit, quelque fois un peu trop appuyé dans le style… elle ressasse souvent les mêmes émotions ou souvenirs à grand coup de synonymes et autres métaphores et prendre le risque de lasser certain lecteur.
Je pense honnêtement que c’est le type même de roman auquel on adhère ou pas… du tout… qu’on aime ou qu’on déteste !
Je pense qu’il faut avoir, aussi, aimé une maison, ses moments légers, lents ou virevoltants remplie de générations, de rires, d’imbéciles coups de gueule, de personnages singuliers et de souvenirs entre cousins, amis pour accepter la litanie de ce roman sur les quatre saisons… aux côtés une Isadora antipathique, aigrie souvent, nostalgique beaucoup et malheureuse malgré (ou principalement grâce à) elle.
Personnellement j’ai pensé à ma propre petite (toute petite) maison de familiale où le temps s’écoule différemment, où les fantômes familiaux et/ou amicaux tiennent compagnie lors des soirées isolées… et que je ne souhaite jamais quitter vraiment.
Il reste un sentiment, à la fin de la lecture, empli de nostalgie, mais aussi d’un certain malaise … d’une vie gâchée par l’ombre trop immense d’une Maison et des réminiscences qui ont étouffé un être né hors de son siècle.