Récemment une personne m’a indiqué n’avoir que peu lu dans sa vie et n’avoir pratiquement pas de « culture littéraire », mais qu’elle avait retenu un poème de Victor Hugo et l’avait fait sien.
J’ai répondu sincèrement que l’étendu des connaissances n’était pas un gage d’intelligence ou de « culture » et qu’il valait mieux lire un livre par an, le comprendre, l’intégrer et l’ingérer dans sa vie, plutôt que de lire à la chaîne des livres qui s’effacent automatiquement après lecture (ce livre s’autodétruira…).
Après coup, il m’a semblé étonnant que cette personne n’ait pas eu accès aux livres et n’ait pas eu le goût pour la lecture. On sait que près de deux millions de personnes ne savent pas lire, pas du tout. Pourtant elles ont dû fréquenter les bancs de l’école, au moins jusqu’à l’âge légal.
Cependant, beaucoup lisent mais ne comprennent pas et ne saisissent pas le sens des mots et des idées développées. Je trouve cela triste (même si c’est compréhensible).
Pour ma part, j’ai eu la chance de développer mon sens de la lecture et d’avoir des rayonnages pleins de livres passionnants. Etant d’un naturel curieux, poussée en cela par des grands-parents cultivés, j’ai eu l’opportunité de lire un peu tout ce qui me tombait sous la main, sans tenir compte ni de l’âge « supposé correct » pour entreprendre cette lecture.
Et un jour, au détour d’un film (« The Outsiders » de Francis Ford Coppola, pour ne pas le citer), j’ai entendu ce poème intitulé « Nothing Gold Can Stay » du poète américain Robert Lee Frost.
Ayant vu ce film en version originale, je n’avais pas saisi tout le sens sur le coup (oui, à l’époque, la subtilité de l’accent américain me dépassait un peu, trop habituée ceux à mes copains liverpuldiens ou londoniens). J’ai récupéré ce poème par une amie américaine et j’en suis tombée amoureuse.
En français, on traduit aisément ce poème par « L’Or n’est en rien éternel », le voici :
Nature tes premiers vert sont or
Ta fraîcheur est trésor
Ta feuille nouvelle est fleur
Mais ne le reste qu’une heure
La fleur s’efface devant la feuille
Et l’Eden en chagrin se recueille
L’aube cède au jour cruel
L’or n’est en rien éternel.
Pendant des années, je n’ai eu de cesse que de citer Frost, ces poèmes, et surtout celui-ci quand on en venait à me demander mes influences littéraires.
Il y avait d’autres auteurs, poètes et livres qui m’avaient influencée mais aucun n’avait et n’aura, jamais l’importance de celui-là.
Pourtant un autre poème de Frost semble régir ma pensée depuis mon adolescence. Une phrase surtout « Deux routes divergeaient dans un bois, et moi, j’ai pris celle qui était la moins empruntée et cela fait toute la différence » (traduction personnelle de « Two roads diverged in a wood, and I, I took the one less traveled by, And that has made all the difference »).
Mais « L’Or n’est en rien éternel » a touché mon âme plus que je saurais l’expliquer réellement. C’est un peu comme tomber amoureux, on n’arrive pas à clairement exprimer pourquoi cette personne plutôt qu’une autre. Il y a plein de raisons logiques, de sens, d’explications rationnelles, mais une reste indéfinissable et demeure un mystère même des années plus tard.
Pour moi, ce poème est comme un port d’attache, un lien qui s’est établi entre mon enfance et mon adolescence ; Un passage obligé mais nécessaire vers l’indépendance avec ce petit goût de gâchis qui subsiste jusqu’à la fin.
Ce poème peut être assez facile à interpréter si vous remplacez « Nature » par Enfant et « Or » par « Innocence » et que vous êtes sensibles à cette perte d’innocence qui arrive toujours trop tôt et brutalement.
En cela, Frost est un poète touchant, qui a fait la part belle à la vie rurale, aux symboles et un certain lyrisme. Il évoquait ce lien entre l’homme et la nature et arrive à reproduire la lenteur en poésie. Il prônait le plaisir esthétique et la sagesse par rapport à la perplexité et le chaos. Il écrivit notamment un poème pour l’inauguration de la présidence Kennedy.
Ci-après, un lien précieux vers la récitation de ce poème dans le film The Outsiders, et même si, ce film peut paraître un brin démodé, il reste un des films sur l’amitié les plus émouvants que je connaisse.
Je vous souhaite d’avoir vous aussi un poème, un livre, un extrait de pièce, etc. qui vous tienne chaud et qui vous ramène « à la maison »… un peu comme une chanson qui vous rappelle de bons souvenirs…. Un livre, de la musique… cela me paraît parfait comme combinaison.
Parmi mes ouvrages préférés, on peut trouver « Volonté d’un petit garçon » (1913), « New Hampshire » (1923), « Le Ruisseau à l’ouest » (1928) et « Un masque de raison » (1945).
C'était très beau, très intéressant. J'ai lu cet article car j'aimerais me procurer le recueil où je pourrais lire "Nothing gold can stay". Lire cet article m'en donne encore plus envie. Merci beaucoup.
ReplyDeleteMerci d'avoir lu cet article qui me tient à coeur. Frost est un poète intéressant, délicat et simple...
DeletePour la petite histoire on peut trouver ce poème dans le recueil "new hampshire" publié en 1923 qui lui valut le prix Pulitzer en poésie en 1924....
ReplyDeleteA lire aussi dans cette collection "fire and ice"
Ce poème a été, à l'origine, publié dans la revue de Yale en octobre 1923.
Pour moi, ce fut Invictus, de William Ernest Henley. Ce poème m'a touchée jusqu'à l'âme la première fois ou je l'ai entendu.
ReplyDeleteEntendu à propos de Mandela ?
DeleteHenley a fait fort avec le capitaine de son âme... ce qui est, ma foi, vrai....
Quand j'entends capitaine... je pense toujours à Walt Whitman et son magnifique "[...] j'arpente le pont où gît mon capitaine, étendu, froid et sans vie"... poème composé pour Abraham Lincoln....
En 5eme je devais présenter un livre à ma classe et mon voisin, qui devait le présenter ce jour là m'avait montré le livre the outsiders et le résumé m'avait tellement plus que j'ai demandée à la prendre pour le lire. Vers la fin du livre, je ne voulais pas que sa se finisse je le lisais tres lentement et c'était complètement amoureuse de cette histoire. Puis j'ai commandé le film et je l'ai regarder tellement de fois et je pleurais à chaque fois. Tout sa pour te dire que je suis contente que d'autre personne s'intéresse à ce genre de film
ReplyDeleteMerci pour ton commentaire. En effet, ce livre est un bel ouvrage sur l'amitié... le film, bien qu'un peu "vieillot" sur le contexte, cette belle amitié et le propos sont toujours magnifique... le poème de Frost (comme tous ses poèmes d'ailleurs) est l'essence du livre... the outsider est un de mes films préférés ... encore maintenant...
DeleteLorsque j'ai vu ce film, j'avoue qu'au delà de la qualité de l'histoire,ce passage m'avait fait un effet qui ne m'a jamais plus quitté.THE OUTSIDERS fera toujours partie de la liste de mes films cultes.Le jeu également des stars précoces est à mettre à l'actif de tout cequi fait de cette production un chef-d'œuvre.
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