Tuesday, September 10, 2024

Les deux visages du monde de David Joy - retour de lecture



Résumé :

Après quelques années passées à Atlanta, Toya Gardner, une jeune artiste afro-américaine, revient dans la petite ville des montagnes de Caroline du Nord d’où sa famille est originaire.

Bien décidée à dénoncer l’histoire esclavagiste de la région, elle ne tarde pas à s’y livrer à quelques actions d’éclat, qui provoquent de violentes tensions dans la communauté. 

Au même moment, Ernie, un policier du comté arrête un mystérieux voyageur qui se révèle être une suprémaciste blanc. Celui-ci a en sa possession un carnet sur lequel figure une liste de noms de notables de la région.

Bien décidé à creuser l’affaire, Ernie se heurte à sa hiérarchie. 

Quelques semaines plus tard, deux meurtres viennent endeuiller la région. Chacun va alors devoir faire face à des secrets enfouis depuis trop longtemps, à des mensonges qui durent parfois depuis plusieurs générations.


Mon avis :

Il faut signaler que le titre originel est « Those we thought we knew », ceux qui nous pensions connaître, me semble largement plus approprié à ce roman choral.


David Joy, par son écriture toujours poétique, lyrique mais incisive, nous conte l’histoire de plusieurs personnages dont les destins s’entremêlent.


Entre Toya, jeune artiste afro-américaine, bien décidée à faire des performances pour dénoncer le passé raciste de sa ville de naissance – et d’où est originaire toute sa famille, Ernie, policier du comté, presque trentenaire, qui n’hésite pas à enquêter là où sa hiérarchie lui imposerait le secret, un membre de KKK, suprémaciste blanc, qui vient du Mississippi et semble détenir une liste précieuse de sympathisants du coin, tous les habitants ont de quoi être révolutionnés.


Quand deux meurtres se produisent et que Toya et Ernie subissent quelques problèmes majeurs, l’histoire s’emballe et l’entrée en scène de deux autres personnages vont faire sauter les derniers verrous des mensonges, secrets et autres cadavres dans les placards de toutes les familles.


Ce roman noir implacable dénonce ce racisme issu des fractures du passé des Etats-Unis… de la guerre de sécession, blessure jamais totalement refermée, à la ségrégation dont certains revendiquent encore les bienfaits, David Joy montrer qu’il y a rarement que du blanc, que du noir, que du gris, mais un nuancier qui semble être plus ouverte, plus inclusif, mais qui est rongé par quelques actes de racismes et/ou de violences latents et qui pourrissent de l’intérieur des générations.


Ce livre est émouvant, percutant, et prend son temps pour distiller le suspense et la résolution du pourquoi du comment. Mais il expose aussi la violence, la violence de la réalité de la société américaine, des soucis socio-économiques, de la perte de repères dans ce pays fracturé où les communautés se referment sur elles-mêmes au lieu de discuter et de se comprendre. 


Il y aura bien des détracteurs pour penser que David Joy fait son moralisateur, qu’il prêche (dans le désert) et que les personnages ne sont pas tous attachants ou bien structurés, mais son propos est fort et dans le monde actuel, une piqûre de rappel ne peut pas faire de mal (allez tâter les résultats de l’AdF en Thuringe et Saxe – mauvaise répétition de l’Histoire)..



Extrait qui parle de lui-même :


« L'arbre qui possède les racines les plus profondes dans ce pays est l'arbre du suprémacisme blanc. Et le fait est qu'il n'est pas nécessaire d'être celui qui a planté cet arbre ou qui a veillé à l'arroser ou qui en a taillé les branches pour être celui qui bénéficie personnellement de l'ombre qu'il fournit. Il y a tout un tas de gens qui sont assis confortablement sous cet arbre, et certains d'entre eux savent fort bien où ils sont assis et restent tout simplement là à ne rien faire car ils aiment cet endroit où ils sont assis, et puis il y en a d'autres qui n'admettent même pas l'existence de cet arbre. Peut-être qu'ils ne l'admettent pas parce qu'ils ne le voient pas, ou peut-être qu'ils ne veulent pas le voir, mais, en fin de compte, rien de tout ça n'a d'importance, parce qu'ils profitent tous de la même chose. »

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