Oui,
vous avez déjà lu ce texte les années précédentes. Je ne pense pas être
capable d'écrire un texte plus vrai, plus fort que celui-ci... Elle me manque aujourd'hui encore plus que les autres jours..
***
Ce
texte est sûrement le plus difficile et le plus simple à écrire à la
fois et aussi le plus intime. Mais l’hommage me semble fondamental mais
là n’est pas la finalité de ce papier.
Il me semble évident que parmi les personnes les plus importantes de ma vie figurent aux quatre premières places mes grands-parents.
Viendront
ensuite d’autres personnes proches de moi (oui, oui, y compris mes
parents) et la liste ne tiendra largement que sur deux mains.
Mais
quand on en vient à me demander quelle est la seule personne qui a eu, a
et aura toujours une influence sur ma vie, je n’hésite jamais : ma grand-mère maternelle.
J’ai
souvent tendance à dire, nonobstant la relation que j’entretiens avec
ma mère, que lorsque j’ai perdu ma grand-mère maternelle, je suis
devenue orpheline.
En
fait, j’ai surtout perdu ce petit bout de moi qui n’appartenait qu’à
elle, et qu’elle savait manœuvrer élégamment afin que je ne me fasse pas
trop mal.
Elle
était tout simplement la seule personne à qui je faisais une confiance
aveugle et, par-là, à qui je pouvais tout confier. Je n’ai jamais été le
genre à faire confiance (surtout question de pudeur, dans mon cas) et
je suis toujours un brin méfiante en continu (cela vire largement à la
parano, je vous le dis !), mais jamais avec elle.
Elle était ce que je dis souvent : « Ma lumière dans tout ce noir » (la preuve ci-contre).
Tout paraissait simple, évident et nettement plus abordable avec elle à mes côtés.
Tout
obstacle n’avait aucune importance tant que je savais vers qui me
tourner pour un conseil, un mot, un regard, ou même une pensée.
Tout me semblait si naturel et facile que cela a rendu ma vie assurément plus douce et légère pendant trente-cinq ans.
Pourtant,
nos coups de gueule étaient aussi légendaires qu’exceptionnels (le portail du jardin s'en souvient encore, je crois). Notre
différence d’âge (presque soixante ans) n’avait pas d’influence sur
notre vision du monde ; Plus sûrement parce qu’elle m’avait façonnée à
son image : insubmersible et loyale envers ses croyances et son
instinct.
Et
que sa vision du monde était sans cesse renouvelée par sa propension à
accepter et à tolérer la modernité.
Elle avait vu les premières voitures, les premiers avions, nourrissait une passion pour l’explorateur Paul-Emile Victor, rêvait de marcher sur la lune, mais, elle était surtout quelqu’un avec qui parler, de tout, et d’une compréhension incroyable.
Elle avait vu les premières voitures, les premiers avions, nourrissait une passion pour l’explorateur Paul-Emile Victor, rêvait de marcher sur la lune, mais, elle était surtout quelqu’un avec qui parler, de tout, et d’une compréhension incroyable.
Même si elle n’approuvait pas, elle ne jugeait rien. Elle essayait d’apporter sa vision et son avis avec douceur et fermeté.
Une main de fer dans un gant de velours : l’expression lui convenait parfaitement.
Dire
qu’elle m’a apporté l’amour et la confiance qu’il fallait à une petite
fille est largement en-dessous de l’impact qu’elle a eu sur moi.
J’ai
la nette impression que je suis, à quelques détails près, un clone avec
ce caractère trempé, ce côté « général en chef des forces armées », ce
côté « contrôle de soi et compagnie », et, heureusement, ce côté bohème,
véritable marque de fabrique de sa famille. Un côté artiste,
excentrique sans trop l’être, avec ce qu’il faut de droiture et de vertu
pour, harmonieusement, contrebalancer l’ensemble.
Je n’ai malheureusement pas hérité de son côté rassembleur et sociable. On ne peut pas tout avoir !
Elle
était de celle qui régissait la vie des autres afin d’éviter tout
problème mais elle le faisait souvent, hélas, au détriment de certaines
personnes qui se sont laissées porter par sa volonté sans faille.
J’étais
une des rares à la défier sur son propre terrain et à refuser le diktat
familial et les nombreuses exigences. Je refusais de me soumettre à
certaines convenances et, malgré nos heurts sans conséquence (le câlin
du lendemain matin le prouvait), cela l’amenait à s’ouvrir davantage et
entrevoir une autre vision de la vie.
oui, nous deux... à SMV... |
Ses blessures, les épreuves et la vie qu’elle a endurées avaient fait d’elle un être fort, intègre et loyal. Elle était mon phare dans la tempête et a souvent ramé à mes côtés pour me maintenir à flot et éviter tout écueil.
Effectivement,
la vie est moins douce et moins aisée depuis 2005, mais, cependant, je
la sens souvent dans mes actes et je sais qu’elle m’a transmis ce
pouvoir de faire face. Je n’ai, néanmoins, pas encore acquis le recul et
le calme qu’elle affichait, mais j’y travaille.
« Avoir
les épaules pour » me disait-elle. « Le plus important pour une femme
c’est l’indépendance financière et avoir les épaules suffisamment larges
pour tout encaisser sans l’aide de personne ».
Ce n’est pas difficile à faire mais nettement moins amusant sans elle.
A toi, pour toujours, et à jamais, Winnie.
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