Etant hébergé face au local « courrier », le standard avait
quelques missions en lien avec les agents du courrier. Si un courrier
« confidentiel » arrivait, on devait le monter immédiatement, en
mains propres, à Sylvie qui le remettrait elle-même au grand Chef. Tous les
matins, nous étions désignés à la « bonne franquette » (autant dire, les nouveaux d’abord, les
anciens jamais !).
Un matin, gogol du service courrier (et quand je dis gogol, ce n’est ni
l’auteur, ni un demeuré, mais c’était son surnom…), me tend un pli et me dit,
mi-anxieux, mi-hystérique, « il faut que le Grand Chef l’ai avant 9h ».
Oh là ! Il est 8h12… 6 étages en 48 minutes, mais comment vais-je
faire ? Il me regarde et me dit le plus sérieusement du monde :
- Tu devrais y aller maintenant pour être un peu en avance ! Et
surtout, fais attention, y’a foule aujourd’hui à l’accueil !
Bon, d’accord, je vous
explique ! Pour rejoindre les ascenseurs menant à la Direction (le Saint
des Saints !), il nous fallait, à nous, les petits gens du standard et du
courrier, traverser le hall central, l’accueil - public (avec la faune qui va avec !),
descendre au sous-sol (lieu stratégique des syndicalistes, de l’Amicale et de
la logistique des cuisines), pour récupérer l’ascenseur privatif.
Bref, en tout et pour tout, 5 minutes chrono. Bon, je le concède quand
il y avait « foule », il fallait 10 minutes en escaladant les
poussettes, les sacs et autres gadgets que les gens trimballaient avec eux…
Je pars donc vers ma destination finale, et je tombe dans le grand hall
sur une manifestation d’un syndicat avec banderoles, mégaphones et autres
joyeusetés. Un grand brun lance un :
- C’est la fille du Standard ! Elle a notre courrier ! (Comment
peut-il me connaître, celui-là ? A ce jour, je n’ai toujours pas élucidé
l’affaire !)
Et voilà ses petits camarades qui m’applaudissent et se resserrent
contre moi.
Loin de paniquer (j’ai survécu à des stades avec plus de 80 000
personnes, ce n’est pas 50 manifestants qui vont me faire peur !), je les
regarde et réponds que « non, ce n’est pas votre courrier ». Il
insiste. Je déments, il insiste à nouveau. Cette fois, je regarde l’adresse sur
l’enveloppe et note bien que, non, ce ne sont pas eux, mais le Ministère… le
Cabinet du Ministre.
Oh, Merdus ! Me dis-je.
Il regarde par-dessus mon épaule et dit :
- C’est la réponse du Ministre !! Haro sur la lettre, les
mecs !
- Le premier qui s’avise à toucher la lettre…
Mais qui a dit cela ? A haute voix, en plus ? Mais je suis
gogol ou quoi ?
Les masses me regardent et un mec un peu plus petit que les autres me
dit :
- Toi, avec ton jean et ton t-shirt mouillé (Où il a vu que mon t-shirt
était mouillé, celui-là !???), tu me files la lettre et tu te tais !
Mais c’est à moi qu’il parle l’avorton ?
Non, je n’ai pas dit cela, mais j’ai foncé dans le tas et j’ai gagné la
porte vers le sous-sol où je suis tombée, nez-à-nez avec nos syndicalistes
maison. Je le regarde et lui demande « protection syndicale ». Il
soupire et me dit :
- Pff, t’inquiète ! Ils ne descendent jamais jusqu’ici ! On est
copains comme cochon.
Cochon ? Tiens, j’ai faim, me dis-je en regardant le courrier et
l’ascenseur.
Quand je me suis présentée, enfin, à Sylvie, elle était déjà au courant
de ma traversée syndicale et m’a gentiment remerciée de « mon engagement
envers l’Institution ». Je ne savais pas trop bien ce qu’elle voulait dire
mais j’ai souri bêtement et j’ai filé vers mon local standard pour reprendre
mes épanouissantes activités avec mes collègues… Que j’ai trouvé en train de
préparer un tiercé ! Ouais, la pause de 8h34, enfin !
Chapitre 2 – l’Administration – Episode 13 « Je travaille trop
vite ! ».
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