Friday, July 06, 2018

[Livres] Lendemains de Libération de Daniel CROZES... Après le STO et la Libération, un retour à la vie difficile.


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Le résumé de l’éditeur :

Il attendait ces retrouvailles depuis si longtemps. Cela faisait deux ans et demi qu'il n'avait pas vu les siens, après sa réquisition en 1943 pour le Service du travail obligatoire (STO) et son départ pour une usine d'armement, en Autriche. Sans nouvelles de lui depuis un an, sa famille craignait qu'il n'ait disparu. Le voilà enfin, affaibli mais vivant, si soulagé de retrouver ses proches après cette guerre terrible. Si heureux de revoir enfin sa fiancée, Justine. Mais lorsque Justine apparaît, c'est au bras de son frère. Les promesses de mariage, faites lors de son départ, ont été oubliées. C'est une double trahison. De plus, tous ceux qui comme lui sont partis au STO sont mal vus. Dans son bourg natal, les déchirures de la guerre sont encore à vif. Comment reprendre pied ? C'est auprès d'un oncle maternel, qui l'accueille dans son auberge à la campagne, qu'il va retrouver foi en l'avenir. C'est avec lui qu'il va découvrir ce qu'il s'est passé dans le bourg durant les années de guerre, les dénonciations et les rancœurs, le courage des vrais résistants, les collaborateurs notoires, le marché noir, l'épuration sauvage... et à qui il doit d'avoir été désigné pour le STO. 


Dans Lendemains de Libération, Daniel CROZES traite avec courage un sujet historique peu abordé. Il s'est inspiré de nombreux témoignages pour construire son personnage, et réussit à refaire vivre l'atmosphère si troublée de la Libération dans un village du sud de la France.

Historien et romancier, Daniel CROZES est l'auteur de près de cinquante ouvrages, tous publiés aux Editions du Rouergue. Son dernier roman, Un été d'herbes sèches, a reçu le prix Arverne en 2016.

Le contexte de lecture : 

Je suis, comme vous le savez si vous lisez mon blog, une passionnée d’Histoire, et parmi les périodes dont je suis une adepte(1), il y a la période 1919 – 1947 en Allemagne… et, donc, par ricochet, en Europe.

Le thème abordé m’a parlé immédiatement puisque mon grand-père maternel a été « convié » à effectuer le STO après sa démobilisation en tant que marin (son contre-torpilleur ayant été sabordé à Toulon en 1942). Il m’avait confié tout cela, et son « oubli de repartir » après une permission assez étonnante dans ce contexte. 

Lettre de convocation au STO de mon grand-père
Bref, lorsque j’ai pris connaissance de l’ouvrage paru chez Rouergue (dont j’aime beaucoup la ligne éditoriale, et dont les romans sont toujours de qualité ! J’en parlais ici pour un de mes préférés), j’ai demandé s’il était possible de lire en SP

Cela fait très peu de temps que j’ai décidé d’effectuer cette démarche et j’ai grandement apprécié la gentillesse de Rouergue et de son service de communication.

Vous imaginez bien que j’ai plongé dans le roman avec délectation pour la raison évidente de l’histoire, et l’Histoire, et l’Aveyron.

Depuis mes premiers passages en direction du Périgord (oui, nous empruntions les chemins de traverse), l’Aveyron a toujours été un éblouissement pour moi ; Mon coin préféré étant, comme les lecteurs de Liverpool Connexion le savent, Belcastel ! 

Le corps du roman : 

Daniel CROZES
Daniel CROZES est un auteur, soit, mais aussi un historien. Son écriture est donc un savant mélange d’enchaînements littéraires et de faits historiques.

L’histoire de Philippe, de son passé en tant que travailleur STO, des souffrances endurées, de l’incompréhension et du dur retour à la réalité d’une France libérée, est traitée avec pudeur et sensibilité.

La douleur de Philippe n’est pas que morale ou physique, elle est également dans son rapport avec le passé, ses rapports avec son frère, qui lui a subtilisé sa fiancée, son père, ses amis d’école et avec cette ligne de démarcation toujours visible dans cette France qui réglait ses comptes. 

Affiche de propagande pour le STO
Lui, le garçon envoyé de force dans une Autriche nazie, soumis aux travaux forcés, aux mauvais traitements, à la violence, à la privation et à l’horreur, puis face aux Soviétiques, célébrés par certains comme grands vainqueurs, mais qu’il découvre être aussi mauvais voire pire que les nazis eux-mêmes, tout ceci le blesse, lui donne le sentiment d’être perdu, lâché, abandonné ; lui qui a tenu grâce à l’espoir de revenir au point de départ… aimé, choyé, amoureux et adoré.

Et puis, il y a la partie traitant, à travers les yeux de Philippe, de cette France déchirée, irréconciliable, à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Ces villages meurtris par la collaboration, la résistance, les arrangements, les crimes, les délits, les bons, les mauvais, les salauds, les indifférents… 

Cette période est souvent traitée, en général, dans une version politiquement correcte, ou manichéenne ; Sauf, dans une série télévisuelle récente, nommée « Un Village Français ». 

Là, Daniel CROZES plonge dans l’Aveyron, dans un village lambda, dans la vie d’un homme ordinaire qui se débat pour ne pas couler à la découverte des arcanes des années qu’il a perdues en camps de travail.

Et, donc, Lisa ?

J’ai adoré (dévoré) ce livre.

Je ne vous cacherai pas qu’il y a des passages qui peuvent être un peu long dans les descriptions de lieux ou situations. Il y a également quelques redondances mais, qui, tout bien pesé, peuvent être appréciés par les lecteurs.

Je ne suis pas, sur cette période, un lecteur lambda, je le sais. 

Je connais cette période, je connais les méandres qu’ont connu ces hommes revenus du STO, ces règlements de compte, ses justifications « mais c’était la guerre ! » pour excuser un comportement indigne ou amoral. 
Donc, évidemment, certaines phrases ou explications de l’auteur, à propos de la situation de son personnage principal, semblaient du/lu/entendu déjà-vu pour moi. 

Néanmoins, je recommande ce livre car l’écriture de Daniel CROZES est limpide, agréable et que ce roman se lit aisément, qu’il creuse un nouveau sillon, qu’il ouvre une nouvelle brèche, et qu’il donne à réfléchir en ces temps où l’on voit des relents d’Histoire nous arriver droit dessus.
J’aime à penser que certains romans puissent ouvrir les yeux sur les comportements individualistes, sur une réflexion et sur un pardon général.

En cela, je dois être un peu idéaliste, comme le personnage de Philippe, quelqu’un qui a fait ce qu’il devait faire, son devoir en quelque sorte, et réalise qu’il a payé un lourd tribut face à ceux qui ont su contourner le système, usé et abusé des opportunités pas toujours recommandables.

En cela, l’opposition des deux frères, du père et du fils et le vieux couple d’instituteurs sont un reflet parfait de la diversité de comportements en temps de guerre qui pourraient nous pousser à appréhender l’autre de son point de vue…

Je recommande donc ce beau roman de Daniel CROZE à tous ceux qui aiment cette partie de l’Histoire et aime les romans régionaux, et, veulent pousser un peu plus la réflexion sur le regard que l’on peut porter sur l’autre. 

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Comme toujours, quand il s’agit d’Histoire, je vous mets quelques lectures sur le sujet, en l’occurrence, le STO :
  •  « Le STO », Brun (Jean), Presses Universitaires de France, 1992,
  •  « Histoire du STO », Spina (Raphaël), Perrin, 2017
  • « Les STO : histoire des français requis en Allemagne nazie : 1942 – 1945 », Arnaud (Patrice), CNRS Éditions, 2010

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Éditions du Rouergue
Parution : 4 octobre 2017
ISBN : 978-2-8126-1448-4
Nombres de pages : 384
Prix (à la sortie) : 21€uros




(1) Également : l’époque Templier en Périgord, La Russie (1715-1945), la Révolution Industrielle en Angleterre, etc.


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