Résumé :
Juin 1941. L’Est de la Pologne. Des nuits éclairées par la lune, de basses prairies marécageuses, un verger ombragé et les eaux profondes de la rivière qui divise le monde en deux. Sur une rive stationnent les Allemands ; équipés de chars, de camions, de blindés, ils se préparent à une attaque imminente. Sur l’autre, les Russes. Au milieu, un petit village frontalier où un passeur fait traverser fuyards, juifs et partisans, sous le couvert de la nuit. Tout le monde attend. Les villageois se débrouillent comme ils peuvent pour survivre. La forêt abrite de jeunes maquisards inexpérimentés, qui se prennent pour de vrais soldats. La chaleur brouille les esprits. Un petit garçon voit et entend tout : le grondement des avions, la terre qui tremble sous les bombes, les pillages…
Le contexte :
1941, Pologne, Barbarossa…
Y’a-t-il d’autres raisons pour moi de me lancer dans ce roman ?
Mon avis :
Nous sommes au bord d’une rivière polonaise en juin 1941 à la veille de l’opération Barbarossa. La région dans ce roman est proche de Lublin où les noms de Chelmno et Sobibor vont résonner prochainement.
De chaque côté des berges, se trouvent une armée. Les troupes nazies se préparent à envahir l’URSS, de l’autre les soldats de l’Armée Rouge qui ne se doutent de rien en raison du pacte germano-soviétique de non-agression.
Le narrateur de ce roman complexe et dense raconte cette période étrange entre doute et imagination… il y a aussi quelques passages de nos jours (je ne peux rien divulgâcher !).
Nous rencontrons ainsi plusieurs personnages dans ce village… un passeur prêt à aider moyennant finances un couple juif qui rêve de fuir vers la Sibérie et l’utopie stalinienne de rassemblement des juifs soviétiques, des partisans polonais, des soldats allemands, des villageois qui essaient de vivre normalement.
Tout ce petit monde est conscient qu’il se trame quelque chose, que la tension est de plus en plus dense, que les manoeuvres discrètes n’augurent rien de bon mais on tue quand même le cochon, on boit, on vit, on s’aime, on s’engueule… la vie, donc.
On assiste à un melting-pot européen qui est fascinant, surtout quand on s’intéresse à cette période et à ces lieux… une terre disputée par trois peuples : polonais, russes, ukrainiens… terre de religions aussi puisqu’on y croise des orthodoxes, des catholiques, des juifs… une terre de combats, pleine de sang versé comme l’a si bien évoqué Isaac Babel dans Cavalerie rouge.
De ce constat, Stasiuk monte, à travers la lumière polonaise et l’ombre noir qui s’abat sur elle, la violence de cette attaque…
On sent les odeurs, on suffoque parfois et on a peur pour le couple, pour le passeur, on est là, sur la berge, le coeur battant et les tempes qui tapent fort.
Stasiuk nous laisse faire notre propre constat… les partisans sont désorganisés, les soviétiques surpris et les juifs face à la boucherie et la haine des deux côtés ; seuls les allemands semblent apaisés, forts de leur plan Barbarossa.
J’ai profondément aimé ce roman dense, intelligent, un peu fouillis par moments et qui peut sembler pas très orthodoxe… La fièvre monte, on le sent mais les descriptions rendent la beauté des lieux comme irréels dans cet avant l’horreur.
Personne ne sort grandi de ce roman car l’auteur ne cherche pas à amender, à édulcorer l’Histoire de la Pologne. Il écrit son histoire, pointe le côté obscur, la lumière, les héros comme les zéros. Car dans la tourmente, on fait ce que l’on peut avec les moyens du bord… et là, de chaque côté des bords de rivière, il y a matière à survivre.

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