Sunday, October 06, 2024

Tropique de la violence de Nathacha Appanah - retour de lecture


Résumé :

« De là où je vous parle, ce pays ressemble à une poussière incandescente et je sais qu’il suffira d’un rien pour qu’il s’embrase. »


Sur l’île française de Mayotte dans l’océan Indien, les enfants errent, sans foi ni loi.  Moïse a été recueilli à la naissance par Marie, une infirmière, qui le couve comme un cadeau inespéré. Mais à l’adolescence, le garçon se lie avec Bruce, chef de gang animé par la rage, qui l’embarque dans l’enfer des rues. Dans ce pays magnifique et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et révéler la violence de leur quotidien.


Mon avis :

Au départ de cette histoire, il y a Marie, infirmière venue à Mayotte par amour qui s’épanouirait si son désir d’enfant était exaucé… malheureusement les années passent et toujours pas d’enfant avec son mari… Lassé par ses reproches, ses sautes d’humeur, il part avec une autre… et a un enfant. 


Marie aurait pu sombrer si Moïse, un bébé débarqué avec sa jeune mère, ne l’avait pas sauvé… cette fois, ce n’est pas Moïse qui est sauvé des eaux, mais Moïse qui sauve Marie… la mère biologique lui donne car il porte le mauvais œil… le Djinn… il est né avec une hétérochromie… rien de grave, mais à Mayotte et dans ce coin du globe, c’est la preuve du diable.


Alors Marie devient la mère de Moïse, lui donne tout, l’éducation, l’amour, la joie, la vie, etc.

Jusqu’à ce que Moïse apprenne son origine et harcèle Marie pour savoir tout, voir d’où il vient. Marie, acculée et tiraillée – c’est son fils, elle l’aime plus qu’elle-même, ne comprend plus cet ado qui fugue, traîne avec des gamins perdus… il est perdu dans sa vie, noir éduqué comme un riche blanc, en proie avec sa crise conjuguée d’ado et d’identité…

 

Alors que Marie trouve un moyen de communication, elle est fauchée par un AVC dans sa cuisine… et Moïse fuit… 


Natacha Appanah mêle et emmêle cette histoire en alternant les voix et voie des protagonistes : Marie de l’au-delà, Moïse en prison, Bruce ce gamin des rues terreur du coin mais mort, lui aussi, et quelques autres… 


On découvre alors les histoires entremêlées de ce coin de France qui n’est française que par l’appartenance mais est régi par ses propres croyances, ses immigrés qui cherchent à avoir la nationalité française, ses bidonvilles, ses quartiers pauvres, sa délinquance, la peur, la violence, et les distensions entre les communautés mélangés… blanc, noir, métis, asiatique, comorien, mahorais, etc. tout le monde cohabite mais ne se mélange pas, ou peu. 

On sent la séparation, le racisme latent, la peur de l’autre…


En cela Bruce est l’archange sombre… cette bombe à retardement est là en tant que « roi », il fait régner la peur et n’hésite pas à ordonner la mort ou le viol des gens… et va littéralement être obnubilé par Moïse… entre amour et répulsion… à qui il ne va pas épargner un déchaînement de bestialités… qui va mener Moïse à l’éliminer aussi violemment que ce qu’il a vécu. 


Petit à petit on sombre à leurs côtés… on prend la violence, la pauvreté, la cruauté, en pleine face et on en ressort ébloui par la lumière crue et la chaleur moite de ce territoire lointaine mais si proche administrativement.


La plume de la romancière est brute, tranchante et en osmose avec les destins brisés des personnages qui surnagent ou plongent comme ils peuvent… 


La scène finale est stupéfiante et on reste bouche bée à la fin de ce court roman… tellement empli de malheurs qui se brisent comme des vagues sur les rochers… sans espoir, sans but, mais inlassablement.


Très beau roman.

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