Le juif rouge de Stéphane Giusti
Résumé :
« J’ai toujours rêvé d’être un antisémite. Moi le Juif, moi l’apatride, le cupide, le voleur d’enfants, le youpin, le violeur de jeunes filles, la vermine, le serpent. Comme tout aurait été plus facile, comme tout serait plus simple aujourd’hui. » Tels sont les premiers mots du narrateur, Aaron Tamerlan Munteanu, né roumain en 1884 et devenu par accident die Royte Yidn, le Juif rouge. Dans la légende ashkénaze, ce guerrier immortel, à la stature de géant et à la crinière rousse incandescente, viendra libérer son peuple de l’esclavage et le vengera de milliers d’années d’oppression.
Mais rien de tel pour Aaron Tamerlan Munteanu. Dénué de pouvoirs surnaturels, il n’est pas l’antéchrist qui fut tant redouté par l’Occident depuis le lointain Moyen-Âge. L’éternité est pour Munteanu un châtiment, la malédiction d’un dybbouk qui le condamne à endurer, année après année, le destin des siens en qualité de seul témoin. Face à la folie antisémite, cette épidémie de rage sanguinaire qui pousse des pays à éliminer des pans entiers de leur population, le Juif rouge sillonne la Mitteleuropa, en quête de rencontres, et qui sait, dans l'espoir d'inverser le mouvement de l’histoire. Des tranchées de la Roumanie de 1917, à l’Ukraine des pogroms et à la Pologne de la Shoah, son errance le conduira jusqu’à la Terre promise. Mais la paix est-elle encore possible pour ceux qui ont vu et connu le mal à l’état pur ?
Mon avis :
J’ai été happée depuis le premier mot et je n’ai lâché ce roman que parce qu’il fallait aller travailler… Je l’ai dévoré tellement que je voulais savoir la suite des pérégrinations d’Aaron Muntuanu, colosse de 2,22 m, roumain, sans à part dans son propos pays, né en 1884, et va passer de simple homme à une créature mythique juive : le juif rouge, cet immortel qui est là pour protéger les juifs de leurs ennemis et les guider vers LE destin.
Stéphane Giusti laisse Aaron expliquer qui il est, d’où il vient, qu’est-ce qu’il lui est arrivé pour finir par être ce Juif Rouge qui traverse les décennies au milieu de l’horreur, de l’antisémitisme, de la peur, de la vengeance, de l’amour et de l’humanité toute entière.
De sa naissance à ses premiers pas sur le front est roumain pendant la Première Guerre mondiale, Aaron fait des allers-retours de l’ère des dinosaures à Mila, cette jeune roumaine dont il est fou amoureux… et puis il y a aussi son camarade Ioan Lupescu, ce galérien de la guerre comme lui, qui va concentrer sa haine ancestrale du juif dans un acte stupide… qui vaut à Aaron de le repousser violemment entraînant sa mort… et le début de son destin de juif rouge…
La légende côtoie l’Histoire, la mémoire, les peurs, les espoirs, les guerres, et ce côté éternel ou sensuel de la vie humaine….
Il y a de la grandeur et de la décadence dans cette histoire… où l’amour, la beauté et l’espoir répondent à la haine, l’horreur et le désespoir de tous les personnages… On rit, on peste, on contemple, on panique et à la fin, on se dit que rien ne change… que l’on est toujours l’ennemi ou le haïssable de quelqu’un… que le destin des juifs est immuable, condamné à être ceux que l’on désigne comme pestiférés…
Aaron, géant au cœur tendre, parcourt l’Histoire et porte en lui chaque victime, chaque souvenir, chaque exil, chaque pogrom, chaque charnier et pourtant il est là, planté, avec ce fardeau sur ses larges épaules… à la fois colosse et brindille.
Aaron est là, vivant l’absurdité de cette haine, et sans faire de leçon de morale, il construit un chemin dans l’esprit du lecteur… qui se positionne toujours selon ses propres idées reçues ou ses croyances.
Le juif rouge n’est pas un roman historique, ni un essai, ni un témoignage, il est à la fois drôle, léger, sombre, menaçant, accablant d’espoir ou de désespoir…
Cette lecture m’a coupé le souffle et la pudeur et la beauté décrites par Stéphane Giusti sont dignes et ont la force de ces romans qui vous restent dans le cœur et l’âme…
Sans aucun doute l’un des plus gros coups de cœur de 2024 !
Merci pour ce retour ! j'ai aimé ce roman mais le milieu m'a un peu perdu.
ReplyDeleteJ'ai lu, en effet, quelques retours de cet acabit. Perso, il m'a emmené où il voulait... cela dépend, je pense, de son ressenti et son parcours.
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