Cette mission c’était une aubaine : trois mois de contrat, ¾ temps (histoire de pouvoir aller au ciné), tickets restaurants, carte de bus/métro payée, congés payés et la possibilité d’un renouvellement de trois mois (avec un arrêt de quelques jours entre les deux).
La mission : standardiste pour le premier mois, puis secrétariat d’un service ayant affaire au public pour les autres mois.
Lieu : une administration…. Bref, que des fonctionnaires d’état, titulaires, aguerris et tous « largement compétents » (dixit l’agence !) dans leurs domaines respectifs.
Quand je me suis présentée, je suis arrivée dans un service vide. A 8 heures du matin, personne. J’ai attendu vingt minutes avant de voir arriver deux individus en short et tongs (on était en mai, il faisait déjà très haut) discutant du weekend suivant (un lundi matin) et en expliquant qu’avec « le pont et les heures sup’, on pourra tirer jusqu’à mi-mai ». Aucun des deux ne m’a demandé ce que je faisais là jusqu’à ce que le plus grand des deux doive me « pousser » un peu pour accéder au local « cafét » où trônaient un frigo, un petit four et deux cafetières ainsi que deux tables rondes et des chaises.
- Pardon, mais, vous faites quoi, ici ?
- Heu, bonjour Monsieur, je suis l’intérimaire. Je viens pour remplacer une standardiste.
-Ouh là ! Cela ne dépend pas de moi, mais je vais appeler mon collègue. Marceeeeeeeeeeeeeeeeel ? Y’a la petite qui s’est paumée, elle doit aller au standard !
Le temps que le « Marceeeeeeeeeel » en question se lève de sa chaise, s’avance vers moi et me regarde, j’aurais pu aller faire mon marché et revenir. Au bout de quinze minutes, il a émis l’hypothèse fumeuse d’appeler « La Sylvie » (NDLR : la secrétaire du Directeur Général de cette administration) qui « doit savoir ». Sylvie (Dieu la bénisse) a répondu que « oui, la petite devait aller au standard, mais en passant par la DRH avant, merci ».
Marcel et Philippe (l’autre joyeux fonctionnaire) m’ont accompagnée jusqu’à la DRH en disant pratiquement bonjour à tout le monde (et quinze minutes de plus !). Je suis arrivée à la DRH à 9h, énervée comme une puce en m’excusant platement. La secrétaire de la DRH m’a souri et m’a dit gentiment « Pas grave, ici, le standard est opérationnel à 9h30 le lundi matin. ».
Le DRH m’a alors expliqué mon « amplitude horaire » : 8h – 16h15 en précisant bien que ma « pause déjeuner à la cantine, ou ailleurs, est comprise, bien sûr ! ». J’ai demandé le créneau horaire pour déjeuner et j’ai entendu un fatigué « 30 minutes, normalement, bien sûr ». Bien sûr.
Ensuite, j’ai signé mon contrat et sa secrétaire m’a présentée à tout l’étage du DRH et m’a conduite au local du standard (maison, maison !). Et là, surprise… une pièce de 45 m² avec trois personnes, visiblement pas stressées, avec des catalogues de voyage sur leurs bureaux, un tricot et des aiguilles et un petit bureau avec les journaux du jour où était attablé mon futur binôme, Gérard (55 ans, 35 ans d’administration, toujours au même poste, ayant vu défiler tous les Directeurs depuis la création de ce bâtiment !) qui lisait doucement et paisiblement la page des sports de l’Equipe (je sais, je l’avais acheté le matin même pour ma pause déjeuner).
Après les présentations, Gérard et ses acolytes m’ont expliqué qu’en tant que « syndicalistes actifs », ils seraient amenés à s’absenter quelques heures dans la semaine, me laissant seule au standard « mais toujours avec un binôme joignable ». J’ai vite compris que leurs heures syndicales étaient souvent prévues le vendredi après-midi vers 13h ou le mercredi après-midi et que je ne les reverrais plus après…
Le travail en lui-même semblait assez intéressant car j’étais chargée de pré-accueillir téléphoniquement les personnes cherchant des renseignements sur le Code du Travail. Cela allait du contrat de travail aux heures supplémentaires, en passant par une carte de travailleurs étrangers ou un litige avec l’employeur. J’avais un Code du Travail, une plaquette d’information, le listing des Inspections du Travail référents et surtout le listing interne de l’administration (véritable sésame puisqu’il y était noté les postes répondant « vraiment »).
Dès le premier jour, j’ai bien vu que cela allait être long ce mois au standard, car, hormis, les appels, rien à faire. Comme le Droit cela n’a jamais été ma tasse de thé, je n’ai pas cherché à potasser le Code et j’ai envisagé d’autres options pour me tenir occupée plus de 7 heures par jour (livres, magazines, courriers perso, tout était bon !)
Voici un exemple de journée type pendant mon mois au standard :
Déjà, il y avait l’arrivée du matin. A 8h pétantes, tout le monde était là, mais le temps de s’embrasser, se raconter la soirée de la veille, celle à venir, la dernière dent du petit ou la laine achetée, on arriverait largement à 9h.
9 heures, c’était la pause café/petit déjeuner (mon binôme arrivait avec des croissants faits maison tous les matins ! ), tout en répondant aux appels, on arrivait à 10h.
10h c’était la pause cigarette/pipi/visite des copines dans les étages.
11h c’était la discussion sur « que va-t-on manger à la cantine aujourd’hui ? »
11h55, c’était le branchement du répondeur pour la pause déjeuner « obligatoire ».
12h tout le monde à la cantine : ceux qui mangeaient, ceux qui apportaient leurs gamelles, ceux qui grignotaient sur le pouce pour partir faire les boutiques à quelques centaines de mètres, ceux qui venaient finir leurs déjeuners avec un yaourt.
13h café pour tout le monde
13h15 retour dans les bureaux avec pause pipi
13h30 reprise effective du travail
15h pause cigarette (ou pipi, ou papotage, ou goûter)
15h30 début du rangement en vue du départ
Entre 16h et 16h30 la totalité des personnes partaient doucement en restant parler pendant vingt minutes devant la grille de sortie de l’administration (histoire de ne pas quitter les lieux AVANT l’heure officielle).
En toute honnêtement, j’étais ravie de sortir de là aussi tôt…. Pour me ruer au cinéma du coin !
Chapitre 2 – L’Administration - Episode 11 « L’emmerdeur »
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