1942, quai de la gare des Aubrais : Bernard Prazan, 7 ans, serre fort la main de Thérèse Léopold qu’il doit appeler Tata mais qu’il connaît à peine. Quelques heures plus tôt, sa véritable tante les a confiés, lui et sa sœur, à cette inconnue pour qu’elle les fasse passer en zone libre. Mais au moment de quitter la gare, l’enfant comprend au regard de la passeuse qu’elle va les livrer aux Allemands. Pourtant, elle se ravise et les sauve.
Dénoncée à son tour pour ce geste héroïque, elle sera déportée à Auschwitz-Birkenau, Mauthausen puis Ravensbrück. Elle en reviendra. De son vivant, Bernard a toujours affirmé à ses enfants qu’elle travaillait pour la Gestapo.
Qui était-elle vraiment ?
Une collabo repentie ou une Juste ignorée ?
Mon avis :
Michaël Prazan est en passe de devenir un nouvel Antoine Choplin ou Daniel Crozes pour moi… un romancier capable de me retourner le cœur aussi facilement que la vision de mon Périgord chéri.
Le romancier mène l’enquête sur le passé de son père, gamin trimballé par les affres de la Seconde Guerre mondiale avec pour seule raison (majeure) qu’il est juif. Lui, le petit gars va perdre ses parents, une sœur qui s’éloignera de lui outre-Atlantique, et des milliers d’heures qu’il enfouit dans les méandres de son cœur.
Lors d’un entretien pour l’INA, Michael Prazan apprend des pans entiers de la vie de ce père, taiseux, non communicatif, mais décide de rencontrer les personnes évoquées. Notamment cette jeune femme, Thérèse, qui était chargée de les faire passer la ligne de démarcation et qui, d’un simple regard, et d’une décision prise sur l’instant, va faire penser à Bernard, 6 ans, qu’elle n’est pas une passeuse mais une délatrice auprès des nazis.
Le roman possède trois parties claires mais intenses.
La première est le récit du père face à son interlocutrice, qui explique sa vie de petit garçon juif d’avant-guerre à l’après, même plus loin après s’être marié et avoir pris sa retraite. De ses déclarations, son fils, présent, apprend plus d’informations qu’il n’en a jamais eues. Il faut dire que le père et le fils ne s’expriment pas, principalement en raison d’une pudeur et d’un sentiment de survivant du père.
La seconde offre la version de Thérèse, retrouvée par le fils. Michael Prazan donne la parole à une vieille dame qui se remémore cette jeune fille, livrée à elle-même, au milieu du tourbillon de la guerre et qui, d’une fraction de seconde, change les destins d’enfants et d’elle-même.
La troisième est une possibilité, une éventualité de rencontre vingt ans après ce quai de gare entre Bernard et Thérèse… réalité ? Fiction ? volonté ?
Petit à petit, Michaël Prazan explique le destin des enfants juifs, mais aussi son propre destin, ses années difficiles, sa vocation, son travail sur la mémoire et avec cette fluidité dans le récit, nous capture par son investissement…
Il faut dire que ces documentaires (souvent accessibles sur ARTE) sont fascinants, instructifs mais principalement émouvants.
Reste un doute.
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