Saturday, February 22, 2025

Vu d’Allemagne d’André Beucler - retour de lecture

 


Résumé :

Quatre-vingt-dix ans après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, André Beucler demeure un passeur essentiel. Il a informé ses lecteurs français de l'actualité d'outre-Rhin à la une de la presse à grand tirage. Ses reportages ont été lus, admirés, commentés : la classe politique ne les ignorait pas. Son honnêteté y est pour beaucoup.
Pour Pierre Bost, rédacteur en chef de Marianne : « C'est un trait essentiel du personnage ; il dit ce qu'il voit ; il sait voir ; il aime à voir juste ; et son écriture directe, drue, si riche en formules éclatantes, semble faite tout exprès pour ces récits de voyages, pittoresques comme des films et rigoureux comme des rapports. » Ses articles ratissent large et en profondeur. En journaliste avisé, il explore la société allemande pour décrire les répercussions de l'arrivée des nazis en multipliant angles et interlocuteurs.
Son talent de conteur contribue à dresser un panorama exhaustif de cette période cruciale. Il constate la mise en coupe réglée d'un peuple qui se jette dans les bras d'Hitler et subit sa propagande. Il rencontre aussi les dignitaires nazis.
Dès février 1933, dans L'Intransigeant, Beucler conclut : « Le danger, pour l'Allemagne traversée de courants contraires, fiévreuse et impulsive, est que le programme hitlérien comporte certains chapitres qui ne sont pas destinés à apporter l'apaisement, ce sont les déclarations de guerre à la démocratie, que le chef trouve d'inspiration un peu trop française, et au socialisme juif. [...] Quant à son attitude à l'égard des organisations communistes et à ses idées sur le Traité de Versailles, elles ne sont pas faites non plus pour rassurer l'opinion.

Mon avis :


André Beucler a séjourné à Berlin, principalement dû à ses collaborations pour différents quotidiens et hebdomadaires. Il était issu de cette droite nationaliste et conservatrice française pourtant son œil averti en fait un témoin important pour voir l’émergence du parti nazi et la façon dont la société va se transformer et en profondeur, dans toutes les strates. On pourrait dire, avec notre vocabulaire moderne, que Beucler était un lanceur d’alerte. Il n’était loin d’être le seul, évidemment, mais sa plume et ses croyances en font un témoin à part.

Il est dans l’anecdote, dans le détail, comme s’il écrivait un roman. Il manie l’ironie et l’humour (ah ! l’article sur le bal de la fédération des voleurs !) aussi et rentre dans l’intime allemand.

Cet ouvrage rassemble divers articles publiés en son temps, dans des thématiques très ciblées qui ouvrent un autre champ de compréhension.

Il informe, martèle mais moralise aussi… car pour lui, comme pour beaucoup de monde à cette période, l’Allemagne est l’ennemi historique de la France, et il faut s’en méfier comme de la peste. 

Il possède aussi un côté détestable dans sa morale bourgeoise nationaliste et fustige certains qui défendent le droit des « invertis » alors que lui exprime clairement le fait que c’est une maladie à guérir impérativement :  un mal allemand pervers.

Il explique ainsi le ralliement allemand derrière cet homme « qui promettait du travail, de l’ordre, de l’orgueil et de l’autorité : tout ce qui était nécessaire à un Allemand. […] les hommes de la rue devinrent hitlériens ».

Ses articles évoquent principalement le réarmement, avec des preuves notamment des jeunesses hitlériennes qui ressemblaient à des groupes paramilitaires ou l’industrie tournée vers l’armement… Puis, même s’il semble d’orienter vers les lois du régime dès 1934, l’exclusion des juifs, les lois raciales, l’ouverture du premier camp de concentration (Dachau au printemps 1933), c’est pour mieux les passer sous silence et continuer de parler, d’écrire sur la renaissance de la puissance militaire allemande. 

Si cet ouvrage peut révolter par des propos offensants à tout point de vue, il n’en est pas moins un témoin entre clairvoyance et prisme ancien… il expose l’Allemagne des années 30 tout en nous offrant le point de vue français, de la droite nationaliste française, qui ne comprend pas le rouleau-compresseur nazi qui va lui rouler dessus en 1939 !

Une autre vision, une autre voix pour comprendre les années 30 et l’incompréhension face à la montée de IIIe Reich.

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