Ce matin, à mon réveil
(vers 6 heures du matin), j’ai fait ce que je fais quasiment tous les
week-ends.
J’ai pris un thé
(aujourd’hui un thé noir à la bergamote), j’ai enfilé une veste en laine hors d’âge
(oui, il fait encore frais dans la cité phocéenne) et je suis sortie sur mon
balcon, face aux marronniers.
J’ai toujours aimé ce
moment ; ce temps suspendu quand la ville dort encore (et presque), que
les voisins ne sont pas encore sortis, que les chiens n’aboient pas encore et
que les voitures sont au garage.
Le Général Hux sur les
talons, je me suis assise à la table de « jardin », j’ai ouvert le
parasol (la météo annonçait 19° et plein soleil), j’ai posé ma tasse, et ai
pris le chat en poids et l’ai mis sur le fauteuil et SON coussin de bébé chat.
Il régnait un calme
appréciable. Les tourterelles allaient et venaient déjà, préparant leurs nids
dans les marronniers ; les mouettes voletaient en cercle sans faire de
bruit (la mer est calme, donc). Le petit oiseau du matin (je vais le trucider
un de ces jours !) sifflait à plein poumon (et, ce, depuis 4 heures du
matin, à l’heure d’hiver !) et intriguait le Général Hux qui me regardait
comme pour me demander : « mais il va gueuler longtemps le débile, on
s’entend plus respirer ! »).
Bref, c’était un samedi
matin, de bonne heure. Un matin ordinaire.
Soudain, j’ai été
étonnée et j’ai dressé l’oreille : pas un bruit de fond.
C’est quoi ce silence ?
Habituellement, malgré
les arbres dans ma résidence, il y a ce fond sonore, lancinant, entêtant,
ronronnant de la ville ; d’une grande ville. Entre sirènes des
marins-pompiers, crissements de pneus des fêtards qui rentrent, portière qui
claque, bus et son moteur qui démarrent bruyamment, le mec qui se croit encore
en discothèque et qui roule, vitres ouvertes, la radio à fond, etc.
Mais c’est quoi ce
silence, merdus ?
J’ai posé, naïvement,
la question au chat : « hey, Huxounet, ils ont évacué la ville ou
quoi ? »… - oui, ce n’est pas drôle, mais bon… je m’adressais à mon
chat ! -.
Et, soudain, mon
cerveau, pourtant pas lent habituellement, s’est rappelé de la situation :
un petit virus de merde a décidé de nous éradiquer, nous, les humains, les
grands manitous de la Terre, ceux qui ont réduit en esclavage toutes formes jugées
inférieures à l’être doté d’une cervelle et d’une langue bien pendue que nous
sommes.
J’ai regardé l’oiseau
qui gueulait toujours sur sa branche et je me suis surprise à lui dire qu’il
avait bien de la chance d’être un volatile, libre ; car, contrairement à
moi, il n’avait pas à avoir peur d’un minuscule germe avec un nom pathétique
(coronavirus… covid-19… entre bière et science-fiction pour enfants), de serrer
la personne qu’on aime dans ses bras, de claquer la bise à ses collègues de
travail après un long week-end, de partager un bout de tarte avec sa meilleure
amie (et de mettre, accessoirement, le doigt dans sa chantilly !), d’embrasser
sur la bouche le joli garçon du bus (oui, et alors !), etc.
Un petit truc a décidé
de réduire à néant des vies, des familles, des relations sociales. Il se
propage un peu comme il le veut, le salopiaud !, grâce à un porteur hyper
tactile, sympathique, papillonnant partout, virevoltant d’un continent à l’autre
en s’abrutissant de fuseaux horaires et d’images capturées sur un téléphone qui
est devenu son principal ami : l’homme, nous, quoi !
Et là, sur le balcon,
je me suis demandé comment les hommes en étaient venus à perdre le but du jeu d’une
vie sur Terre : vivre en harmonie, avec les gens qui comptent pour nous et
être heureux.
Il y a des années
(décennies, j’avoue) de cela, j’avais lu un article sur les cycles des
civilisations et celle qui était la mienne était prévue pour un déclin vers
2020/2030 ; l’article était sûrement erroné à l’époque mais je me rappelle
bien ce que j’en avais pensé : « 2030… pff, c’est hyper loin et l’Homme
n’est pas si débile ! »…
Force est de constater
que l’Homme n’a pas compris que toute civilisation est vouée à la mort,
contrairement à la Nature.
Car, au final, c’est
comme un match de foot, à la fin, c’est toujours la Nature qui gagne… la
grande, la petite ou la microscopique.
Alors, quand j’ai
réalisé que ce silence était une symphonie un brin funeste pour une partie des hommes
qui vivent sur cette jolie planète, j’ai pensé à tout ce que j’avais fait, j’avais
dit, aurais aimé dire (ou pas), aurais aimé faire dans ma vie, avant cette
pandémie. J’ai énuméré les voyages que je voulais absolument faire avant ma fin ;
les objets que je voulais posséder ; les concerts auxquels je ne
dérogerais pas (oui, je le redis, Blur n’est pas négociable), etc.
Et, là, l’oiseau
hurleur a stoppé net son chant.
Quoi ? Pourquoi ?
Ce silence le gênait-il ?
Non, son compagnon (ou
compagne, cousine, mère, grand-mère, oncle, tante, amant, etc.) venait de se
poser sur la branche et l’ébouriffait. Il piaillait avec plaisir de l’avoir
surpris en plein récital.
J’ai pris mon café, mon
chat, mon livre (que j’ai dû mal à lire en ce moment ; tu m’étonnes, la
fille qui lit, à nouveau, le Régime de Vichy… bravo !) et je suis rentrée
à l’intérieur ; j’ai pris de plein fouet l’ambiance anxiogène de ce
silence ; pourtant, je suis habituée à cela, je viens de la campagne, d’un
village où l’on n’entend rien d’autre que les oiseaux, les tracteurs, les
cloches, les chiens, les chats, et quelques voitures… je suis une fille d’intérieur,
je ne m’ennuie jamais avec moi-même, un peu solitaire (trop), parfois.
Alors, j’ai saisi mon
précieux MP3 et j’ai enclenché la première chanson sur le mode aléatoire… j’allais
lui en donner du bruit, moi, à ce silence !
C’était « Outro »de M83… ma chanson dopante, celle qui, au plus fort du stress, me calme et me
motive à la fois.
J’ai mis le son plus
fort afin de couvrir la tourterelle qui s’amusait à gueuler sur son conjoint
arrivé sans la branche parfaite pour le nid (oui, non, parce que son mec, c’est
une plaie !) et j’ai couvert le silence…
A la fin de la chanson,
la suivante (The Universal de Blur) m’a remué le cœur, comme d’habitude…
Je me suis dit qu’au final, si tout devait s’arrêter là, maintenant, le moindre
moment sur cette Terre avait valu le coup…
Silence ou pas.
Faites attention à
vous.
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