Reprise réactualisée d'un article de 2013...
Cette année, il y aura 73 ans.
73 ans qu’une seule division (la tristement
célèbre Das Reich composée de Waffen SS et de 14 alsaciens incorporés (13 « Malgré-nous »
et un volontaire) fit 642 victimes dans un village du Limousin : Oradour-sur-Glane.
642 personnes :
hommes, femmes et enfants. Massacrés par la Das Reich sur la route du repli
depuis le Massif Central.
7 rescapés : une
femme, un enfant, cinq hommes. Fin de l’histoire.
Quand on apprend cela à
l’école ou ailleurs, on n’a du mal à réaliser que ces habitants, tranquilles, n’ayant
rien fait de mal, puissent avoir été assassinés comme des animaux.
Mais quand on visite le
lieu, on comprend vite l’horreur et l’indicible silence qui vous saisit vaut
largement plus que toutes les images, photos et récits que vous pourrez
consulter.
Alors, lorsque on
apprend simultanément la mort de Heinz Barth (responsable du massacre, chef de
section de la 3e compagnie du 1er bataillon du régiment
blindé « Der Führer » ; il a été condamné à la prison à vie en
1983 lors d’un procès en ex-RDA, puis libéré en 1997 pour raisons de santé. Il
fut étonné lors dudit procès il y ait eu « des survivants »…) le 6
août 2012 et, que quelques mois après, l’information d’un rachat par Walt
Disney se dévoile, et qu’en sus, la question de l’entretien de tout ou partie
des bâtiments se pose comme en avril dernier, notamment par la municipalité qui
la justifie par la charge financière - dont 150 à 200 000 euros financés par l’Etat
– comme raison à la possibilité de laisser le temps faire son œuvre : on se remet à penser à ses 642 personnes.
Après
un procès
à Bordeaux devant le Tribunal Militaire en 1953, la justice est loin d’avoir
été rendue. Les bourreaux d’Oradour-sur-Glane meurent les uns après les autres
et rien ne semble venir réparer ceci.
Cependant
un procureur
et un commissaire principal allemands, à Düsseldorf, continuent d'enquêter depuis de longs
mois sur la reconstitution des évènements et essayent d’établir les
responsabilités de chacun des hommes de la Das Reich.
Je
ne m’étendrai pas sur le contexte histoire de la Guerre Froide où de nombreux
officiers de la Waffen-SS étaient alors protégés, pour des raisons strictement
politiques, par leurs anciens alliés anglais et américains ; ni sur la
controverse des « malgré-nous » qui a déchiré la population et
notamment les relations entre le Limousin et l’Alsace, ni encore sur les
positions prises par les divers partis politiques de l’époque.
Non,
ceci n’est pas de mon ressort. Je ne m’insurgerai que sur le devoir de mémoire
(encore et toujours). Je refuse d’abandonner les souvenirs, les monuments, les
lieux et les actes passés sous prétexte qu’il faut « avancer » dans
la vie. On peut avancer rapidement en gardant en mémoire ce qui fait que nous
soyons là, libres de nos choix, de nos vies et de notre éducation.
Mes
souvenirs et le poids du passé de ma famille (et de l’Histoire) ne m’ont jamais
empêchés de me projeter dans le futur et d’envisager quelque chose de plus
beau. L’idéalisme m’a été transmis comme un cadeau et le devoir de mémoire
comme un trésor de guerre.
Je
revendique ce devoir de mémoire. Du passé, il ne faut pas en faire table rase,
mais s’en servit comme tremplin.
Il
y a plein d’exemples dans l’Histoire récente qui nous prouve qu’oublier et
ignorer n’aident pas à construire quelque chose de mieux, mais que l’Histoire
est réellement un perpétuel recommencement. Le sachant, il devient plus facile
d’affronter l’horreur quotidienne.
Pour
en revenir à Oradour-sur-Glane…
J’ai
grandi dans la région d’à côté (le Périgord) où la Das Reich est passée aussi
et aurait pu fait subir un tel sort à n’importe quel petit village de mon
canton. J’ai insisté pendant des années avant qu’une amie de ma grand-mère
décide de m’y conduire. J’ai alors visité ce village-martyr à l’aube de mon
adolescence.
Je
ne peux m’empêcher d’imaginer l’outrage que ce serait si l’on abandonnait
certaines maisons ou pans de maisons à la démolition naturelle.
Certains
pourront ergoter que tout ceci coûte cher, que dans le contexte actuel et avec
les technologies modernes, les images, les films et les témoignages audio
valent largement quelques vieilles pierres sensibles au temps.
Je
pense, justement, que les pierres demeurent plus réelles que n’importe quel témoignage.
Qu’une image est nettement plus forte qu’une
parole.
J’ai,
pour cela, en tête, deux images fortes : un insigne de Waffen-SS posé sur
la table d’une cuisine avec un sourire satisfait et un numéro tatoué sur l’avant-bras
d’un homme qui me sourit tristement mais fièrement.
Pour
la première image, le sourire de cet homme reste gravé dans ma mémoire et je me
refuse d’oublier sa façon de me toiser, moi, toute jeune adulte, et de me dire
que finalement le « travail n’a pas
été fini correctement ». Sa satisfaction envers cet insigne et ce qu’il
représentait pour lui m’ont poussé à lui tenir tête et à lui dire doucement que
« finalement le temps allait finir
par le rattraper ». Il m’a regardée et m’a dit « Jeune fille, ce que nous avons fait ne sera
jamais oublié. Jamais. Vous en êtes la preuve vivante. Et c’est là ma plus
belle satisfaction ». J’ai frissonné intérieurement mais je n’ai pas tremblé.
Pas devant lui.
C’est ce devoir de mémoire que j’entends respecter.
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