
En
1973, au Chili, le Général Pinochet s’empare du pouvoir par la force. Les
opposants au coup d’Etat descendent dans la rue. Parmi les manifestants, un
jeune couple : Daniel, photographe, et son amie Lena,
hôtesse de l’air. Daniel est arrêté par la
nouvelle police politique. Il est conduit dans un camp secret, caché dans un
lieu reculé au sein d’une secte dirigée par un ancien nazi. Une prison dont
personne n’est jamais sortie. Pour retrouver son amant, Lena va pourtant
rentrer dans la Colonia Dignidad et se fondre dans le décor pour assouvir son plan de sauvetage.
Le potentiel de Colonia est
indéniable pourtant, dès le début, les images léchées des retrouvailles entre
Lena, hôtesse de l’air chez Lufthansa, et Daniel, étudiant, photographe et
sympathisant révolutionnaire et ce côté amour 70’s, sex, drugs, rock ‘n roll et
fleurs dans les fleurs, pourraient induire une énième love-story sur fond de
guerre civile ou de révolution. Le couple formé par la délicate, libérée et
volontaire Lena et l’éternel étudiant révolté Daniel est rayonnant et
attendrissant, même si cela peut paraître un peu trop « guimauve ».

Très vite, les retrouvailles,
émaillées des « venceremos » des sympathisants du régime du Président
Allende, se heurtent au coup d’état et la violence des arrestations. Lena et
Daniel, qui défilaient aux côtés des sympathisants, se retrouvent face à l’armée,
sont arrêtés et emmenés dans ce stade, tristement célèbre désormais. L’ambiance
devient lourde, oppressante et la peur saisit les rangs. Dénoncé, Daniel, est
enlevé brutalement et jeté dans une voiture.

Lena va alors, dans un premier
temps, demander de l’aide du côté des « amis » de Daniel, qui
évoquent alors qu’un individu seul n’existe pas, seul le collectif doit être
privilégié. Elle parvient néanmoins à savoir où il se trouve et décide de ne pas
assurer le vol retour afin de retrouver
celui qu’elle aime.
Elle arrive donc à la Colonia
Dignidad et le film prend alors une autre tournure.
C’est là que réside le paradoxe
de ce film (à la sauce hollywoodienne - peu de chiliens, un accent peu
sud-américain, etc. -)
Le sujet de base (la Colonia
Dignidad, donc) est fort et possède tellement d’obscurité, de possibilités de
scènes et d’horreurs que l’on est même déçu de ne voir la caméra ne s’intéresser
qu’à Emma Watson et Daniel Brühl et à leurs personnages pris dans les affres d’un
gourou terrifiant.
Dans ce rôle, Michael Nyqvist est
formidablement effrayant et glaçant. Les images des jeunes garçons sortant de
son bureau, avec ce regard perdu, effaré mais soumis, est d’une force assez
impressionnante. A partir de ce moment-là, se déroule l’univers de
concentration de cette colonie où les hommes et les femmes sont séparés, où les
enfants sont abusés et abîmés, où les dénonciations, humiliations publiques et
autres châtiments peuvent atteindre tout un chacun, ce qui entrainent la peur
permanente.

Pourtant, et malgré ce fonds
intéressant, si on peut s’exprimer ainsi, la caméra se focalise sur Lena, comme
en témoigne de nombreuses affiches, et non sur le thème qui fait le titre du
film : Colonia (Dignidad). Il faut dire que, justement, on s’attend à ce
que le scénario puise plus profondément dans la colonie, car, pour l’histoire d’amour,
malgré les obstacles, on se doute bien que Lena va sortir son homme de ce
bourbier.
Le potentiel de dénonciation et d’explication
de cette secte (employons les mots qu’il faut !) est un brin sous-estimé.
Dommage pour le spectateur.
Néanmoins, le film est
intéressant, poignant à certains endroits et captivant. L’oppression que l’on
éprouve lors des scènes de pénitence, de « dialogue » avec Schäfer et
dans le cadre gris et aseptisé au milieu de cet environnement verdoyant, est à
la hauteur de l’abominable emprise d’un homme sur une communauté.

Côté acteurs, Emma Watson est
élégante (même avec un sac sur le dos), volontaire et sensible. Elle est
quasi-parfaite avec cet air farouche qui tient tête à tous, y compris à la kapo
de service. Daniel Brühl est, comme à son habitude, excellent dans son rôle ;
Surtout dans les scènes au milieu de ses compagnons de colonie et dans ce
personnage qu’il s’est forgé pour survivre. Il est impressionnant.
Les seconds rôles sont tous au
niveau des têtes d’affiche, même si, à mon humble avis, ils ne sont pas
utilisés autant qu’ils auraient pu l’être…

En définitive, le film atteint
son but : mettre en lumière un fait historique, un contexte, des alliances
internationales, des pressions, de la révolte, de la résistance, de l’horreur,
de l’humanité et l’amour….
Bref, tout ce qui fait de l’être
humain, une création aussi fascinante qu’inquiétante.
Pour l’histoire, il faut
souligner que la Colonia Dignidad a été fondée par des ex-nazis, notamment Paul
Schäfer Scheider en 1961 à plus de trois cents kilomètres de la capitale
chilienne. Elle possédait une école, un hôpital, un cimetière et un aérodrome. Clôturée
par des hautes grilles et ultra-surveillée par des gardes armés, cette colonie
fut, sous la dictature de Pinochet, transformée en camp de torture et de
concentration ; En 1991, à la chute du régime, elle se nommera la Villa
Baviera.
Paul Schäfer, en cavale jusqu’en
2005, avait été accusé d’abus sexuel sur mineurs, détention forcée de
personnes, évasion fiscale, fabrication illicite d’armes et munitions et
condamné à vingt ans de prison. Il est mort quatre ans plus tard suite à des problèmes
cardiaques.
La dictature de Pinochet a fait,
d’après les informations officielles, plus de trois mille deux cents morts et
trente-sept mille torturés.
Réalisateur : Florian Gallenberger
Acteurs : Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Nyqvist,
Richenda Carey, Vicky Krieps, Julian Ovenden, August Zirner, Stefan Merki
Durée : 1h50
Sortie : 20 juillet 2016 (déjà sorti dans d’autres pays
en 2015)
crédits photos : Majestic-20th Century Fox /Xposurephotos / Daily mail
En association avec :
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