Oh, je sais que le sujet va faire
polémique et que je vais, encore, me retrouver sur le bûcher (chic !).
Lors du concert de Damon Albarn
aux Nuits de Fourvière, à Lyon (rapport publié ici, bientôt, après validation
par mon vénéré Rédac-Chef de Lords of Rock !), les intermittents(1) en
grève, portant une croix blanche, ont eu accès à la scène pour une tribute
courte, mais très largement applaudie (contrairement à une autre intervention
qui avait reçu quelques sifflets, m’a-t-on signalé).
Loin de moi l’idée de faire une
tribune ici, car je ne suis pas une intermittente du spectacle, mais j’en
connais quelques-uns mais étant une artiste, je peux donc largement comprendre
leurs revendications.
Evidemment, les sempiternels
« mais vous l’avez choisie cette
voie pour bosser ? » ou bien le mythique « Ils se plaignent mais ont de meilleurs
avantages que les chômeurs de base ! » n’ont pas leurs places
ici.
Bien sûr, on peut m’arguer que
choisir un métier du spectacle est aléatoire, risqué et largement peu « responsable » (sic) mais il est une
chose évidente :
Tous les gens m’ayant répondu cela
vont très régulièrement à un concert (rock, jazz, classique, etc.), ou à des
pièces de théâtre, etc. ; Ils connaissent donc les rouages (ou je le suppose)
des organisations, qui ne reposent pas toujours et uniquement sur le bénévolat
(même si de nombreux festivals de musique doivent y avoir recours pour
maintenir une organisation haut de gamme).
Alors, dire que ces intermittents
peuvent aller bosser dans les métiers dits « normaux » au lieu d’être « librement artiste », cela me dépasse.
Les régimes d’allocations ne sont,
de toutes les façons, pas avantageux pour qui que ce soit !
Bien sûr, choisir d’être dans le
métier du spectacle c’est prendre un risque, mais ceux que je connais, ne
restent pas dans le canapé en attendant le(s) contrat(s), ils courent le
cachet.
Ils se déplacent, se battent tous
les jours, et travaillent autant que faire se peut.
Ils aiment leurs métiers, ils
aiment offrir des spectacles de qualité, entendre le public applaudir et ils ne
comptent pas les heures non payées (répétition, montage de projet et autres
démarches autonomes).
Actuellement, pour bénéficier des indemnités
chômage versées par l’ASSEDIC, un intermittent doit justifier de 507 heures
(environ 3 mois à raison de 8 heures par jour) au cours des 319 derniers jours
(soit 10 mois ; 304 pour les techniciens ou ouvriers) ; Le régime
général, quant à lui, demande 122 jours d’affiliation (soit 610 heures) au
cours des 28 mois précédent la fin de contrat (36 mois pour les plus de 50
ans).
L’employeur d’un intermittent ne
comptabilise pas forcément (comme dans d’autres secteurs) les heures de travail
effectif. La rémunération est basée sur une journée de travail de 8 heures,
même si le technicien va rester plus de 16 heures pour la préparation d’une
représentation.
Un cachet en moyenne équivaut à
une valeur de 12 heures de travail même s’il concerne un spectacle durant 3
heures.
Pourquoi cela bloque : l’accord
conserve le dispositif tant critiqué de 2003, qui ne prend pas en compte toutes
les heures travaillées et durcit sa politique notamment sur trois points :
Cumul
entre le salaire et les indemnités chômage sera plafonné ;
Les
cotisations sociales des intermittents seront augmentées de deux points – ce
qui équivaut selon la CGT spectacle à une perte de salaire net de 0,7 % à 0,8 %
;
Le
différé (le délai de carence entre la perception des derniers revenus et le
versement des allocations-chômage), qui retarde l’ouverture des droits au
chômage, concernera désormais près de la moitié des allocataires (contre 9 %
actuellement).
Alors que vous soyez d’accord, ou
non, que le spectacle que vous attendiez depuis des mois soit annulé et que
vous rentriez à la maison dépité (furieux, hystérique, rayer les mentions
inutiles), merci de laisser une place au dialogue avec ceux qui tiennent à leur
métier, à leur choix de vie, etc.
Car, comme on dit souvent « on a toujours le choix »…
Donc, on a aussi le choix de
choisir sa vie, de bosser, dans un secteur fonctionnel ou artistique, sans pour
autant être le dindon de la farce et « fermer sa gueule ».
(1)
C'est un régime spécifique, créé en 1936, d'abord
pour l'industrie du cinéma, qui employait un grand nombre de techniciens et de
cadres pour des tournages, sans pouvoir leur garantir un emploi pérenne. Il
permet une embauche en contrat à durée déterminée « d'usage », qui,
contrairement au CDD ordinaire, peut être de très courte durée et se renouveler
sans limite durant plusieurs années. Entre deux contrats, un intermittent est
indemnisé par l'assurance-chômage.
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