Il faut le reconnaître, les missions d’intérim, cela a du bon. Que vous soyez une bombe anatomique ou un laideron, vous avez du travail (enfin, vous aviez, de mon temps !). Le client ne vous jugeait que sur votre compétence et vos références et s’en remettait à l’agence pour lui dégoter « la perle ». Bien sûr, tout ceci avait lieu qu’après votre entretien d’embauche avec l’agence où vous n’étiez pas à l’abri d’un délit de « sale gueule ».
Bon, ce ne fut pas mon cas et donc, j’ai enchaîné les missions assez régulièrement en me ménageant quand même quelques jours de congés, quelques semaines au ski (oui, il ne faut pas pousser non plus !), quelques weekends prolongés et tous les ponts…
Au bout de sept mois environ, ma chargée des suivis m’a informée que je pourrais être positionnée sur les « entretiens spéciaux », c’est-à-dire les missions qui, en règle générale, finissaient à 99% par un contrat à durée déterminée (plus de 5 mois) ou indéterminée (Jackpot !).
Et là, je suis entrée dans une autre dimension…. Fini les entretiens tout acquis à ma cause (enfin à la réputation de « Tuveuxbosserbentantpis »), bienvenue dans le monde des rendez-vous d’embauche. J’ai pris tout cela pour un jeu (on ne se refait pas) et j’ai continué à me présenter comme j’étais habillée à l’époque (je le rappelle, fin des années 90…) ; Sans être une modeuse pointue, j’étais très légèrement « mode » et donc pas forcément adaptée au monde du travail…
Ceci étant dit, j’ai refusé quelques « entretiens » car les caractéristiques ne rentraient pas dans « mes » critères (intérêt du poste, lieu géographique, rémunération… dans cet ordre).
Un matin, l’agence m’appelle pour me dire que l’un de ses clients a demandé « une intérimaire tendance CDI » qui était « typiquement [moi] ! ». La chargée me briefe, m’explique que « la tenue vestimentaire n’est pas un problème » pour le PDG et que lui-même vante les « avantages d’être soi-même ». Bon, j’avais quelques kilos de plus que la moyenne autorisée (par les médecins, les magazines de mode et la standardiste de l’agence), mais cela non plus ne posait aucun problème dans ma vie privée et professionnelle (le chouchou de l’époque me signalant régulièrement que « tout cela c’était dans la tête des autres »).
Bref, plus tard dans la matinée, je me présente dans cette entreprise pour un poste de « secrétaire trilingue, en charge du service des relations internationales » ; Poste pour lequel, la secrétaire ne quittait pas son bureau de l’année mais passait son temps au téléphone à parler avec les clients étrangers (en majorité européens et sud-américains) et ne sortait de l’entreprise que pour rentrer chez elle. La fille en poste avait décidé de faire « le petit dernier » et avait posé son préavis. Quand je suis arrivée, j’ai cru à une blague : toutes les filles étaient blondes, grandes et minces (maigres ?), sauf la fille qui faisait le ménage (une brunette pas trop svelte… j’insiste, pas trop !). Comparaison faite, elle était proche physiquement de moi, en plus musclée (le ménage ?).
La standardiste m’a détaillée et m’a dit « heu, c’est pour quel poste ? ». J’avoue, j’ai été tentée de dire « Le tien ? », mais j’ai poliment annoncé « Secrétariat des relations internationales ». Elle a blêmi mais a appelé pour m’annoncer.
Après quarante minutes d’attente (le temps de se conditionner ?), le DRH est venu de chercher et j’ai bien vu, à sa tête, que je n’aurais pas le poste. Il m’a détaillée lui aussi et m’a dit « suivez-moi quand même ! ». Bonjour l’accueil !
L’entretien a duré une heure. Une heure pendant laquelle il m’a posé toutes les questions d’usage pour un entretien d’embauche ; Il a, à maintes reprises, indiqué que j’avais « toutes les compétences » pour le poste et lorsque nous avons conversé en anglais et espagnol, il a été plus que ravi de mon « niveau plus qu’excellent, cela change des autres candidates ».
Alors pourquoi avais-je l’impression de ne pas pouvoir être retenue ? Mais par rapport à ma tête ou mon tour de taille, si vous préférez ! Et j’avais raison !
Sans ambages, il m’a dit que le poste serait parfait pour moi si « seulement » je pouvais entrer dans « les critères » de la société. C’est-à-dire blonde et mince ? Lorsque j’ai joué ma crétine pour lui faire avouer que physiquement je ne cadrais pas, il m’a dit « ceci est en off, mais le PDG préfère, pour notre image de marque, les filles minces, de préférence blondes. Cela plaît plus à notre clientèle ». Ai-je entendu « toi, le thon, tu dégages ? » ?
Mais, surprise, il m’a dit qu’un de ses clients cherchait « le même profil » qu’eux, mais « sans critère particulier » (moche ne pas s’abstenir, merci !), j’ai peu élégamment refusé l’offre et j’ai pris congé en lui expliquant que :
1) Personnellement, je me foutais royalement de ses commentaires sur mon physique,
2) Que les « jolies blondes et minces » finissaient comme tout le monde « vieilles et ridées » (minces aussi, mais bon)
3) Que j’aimais bien mon statut d’intérimaire car j’avais l’occasion de travailler avec des gens qui préféraient « la compétence » au physique.
Il n’a pas semblé surpris de ma diatribe et m’a félicitée pour ma franchise (en off, je crois avoir ponctué d’un connard, mais… bon…).
Quand je suis revenue à l’agence, la chargée des suivis a été informée de mes échanges et m’a dit « peut-être que l’on va te positionner que sur les missions d’intérim, non ? », ce à quoi j’ai répondu « oui, car je compte bien avoir encore plus de liberté pour cet hiver afin d’aller skier tranquille ». Elle a ri et m’a expliqué qu’elle avait aussi été gênée par ce critère physique lors de certains de ses entretiens d’embauche.
Cela ne m’a pas empêché de travailler encore plus et de me retrouver en CDD dans une administration avec pour seule occupation la lecture intensive des magazines féminins.
Chapitre 2 – L’Administration –
Episode 10 (et suivants…) « Comment occuper 8 heures par jour en faisant semblant de bosser, surveillée de près par les syndicalistes maison ! ».
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