Il y a une sorte de chaîne qui se promène
depuis quelques temps sur les blogs et qui consiste à écrire une lettre à notre
nous de 16 ans... J'aime bien cette idée, un peu loufoque... Vous imaginez
recevoir une lettre avec VOTRE écriture, VOTRE signature, VOTRE humour, VOTRE
plume... ça doit être totalement fou, totalement hallucinant, totalement
flippant...
Chère moi (enfin pour l’instant,
toi !)
16 ans, déjà ! L’année
dernière, tu t’es dit que cela était "vraiment cool d'être sur Terre"… Et cet été, tu as
perdu ton pépé Yvon, celui qui t’a appris à lire, à compter et à aimer l'Histoire (et aussi, a couvert tes sorties nocturnes avec le futur autre…) et maintenant tu en doutes. Ne t'en fais pas. Tout va bien.
Parce
que l’année dernière, tu as rencontré l’autre,
donc… le grand échalas qui est arrivé tout penaud, collé à son divin frangin
dont tes copines sont tombées amoureuses direct… et toi ? Tu as failli t’étouffer
avec le croissant (ah, au fait, laisse tomber les croissants, le whisky – sinon
tu vas voir des fourmis rouges aux grandes oreilles –, les glaces à la pistache
et tous les cons dont je te joins la liste à part !) quand tu as croisé le
regard bleu marine de ce joli britannique (oui, alors, là, autant le dire tout
de suite, tu as une nette tendance à aimer les sujets de Sa Majesté, crois-moi
sur paroles !).
Evidemment, tu as
envoyé valser ailleurs le sympathique petit blond de ton lycée (qui te
regardait comme les japonais regardent la Joconde au Louvre… Tu comprendras
dans quelques années avec l’autre, justement !) et vous avez fusionné (pas
l’idée du siècle mais il faut, pour l’avenir, que tu en passes par-là).
Bon, je ne te le cache
pas, malgré les années passées ensemble, vous n’allez pas « vraiment »
fusionner (comme toutes les vieilles tantes et cousines te le rabâchent tous
les jours en ce moment… « Mais tu veux te marier, non, chérie ? »….
Dis-leur non tout de suite, car, là, au moment où j’écris ce texte…. Tu n’es
pas mariée et n’a aucune intention de le faire sous les huit jours –mois ?
années ?- à venir !) ; Mais ne t'inquiète pas, tu l'as enfin effacé de ton cercle d'influence.
Je te rassure, il n'y aura pas que lui (encore heureux) et même si l'amour est un concept pas assez "rock" pour toi (enfant de divorcés, ce n'est pas une excuse, mais c'est une base solide pour ne pas y croire !), tu y crois suffisamment pour ouvrir la porte à certains.
Du coup, mon conseil
serait plutôt de sortir avec son frère au bal du 15 août de l’année prochaine,
histoire de tuer dans l’œuf votre histoire… mais, comme je te connais, tu vas
aller directement dans le mur avec ce garçon… C’est « chimique », je
le sais.
Bon, après, il faut
avouer que même divorcés, les parents, ça craint un peu. Les tiens (nôtres) sont
adorables, drôles (enfin, pas tous les jours en ce moment, mais ils vont s’améliorer !),
et compréhensifs (tu m’étonnes, s’ils savaient ce que tu leur réserves, ils t’enfermeraient
dès maintenant dans un couvent !).
Le point positif c’est qu’ils t’aiment,
beaucoup, vraiment. Ils ne le diront jamais. Enfin pas à toi directement !
Par contre, aux autres, ils l’exprimeront haut et fort (ce que tu apprendras
aux détours de conversations diverses… plus tard… bien plus tard).
Ne te mêle pas des
histoires des grands, et encore moins du post-divorce qui agite encore toute la
famille. Tes parents sont assez grands (oui, alors, là, je te préviens, tu vas
grandir plus vite qu’eux… non, tu es déjà plus mature qu’eux deux réunis…
justement) et sont des adultes. C’est à eux de prendre les décisions, pas à toi !
Lâche la barre, sois une ado, pas une adulte avec tout le poids sur tes épaules !
Tu as le droit de
bousiller une année scolaire (voire trois, en fait, mais je ne ne t’oblige à rien ! Profites ! Les profs t'ont à la bonne car t'es une bonne élève "dissipée, pétillante, intelligente, rebelle, mais prometteuse" dixit un prof de Maths qui n'avait pas tout compris, je crois !) ;
l’excuse « Année sabbatique pour réflexion sur mon futur » ne sera
absolument pas du goût de papa et encore moins de maman… Essaie plutôt le
neutre « Je veux réfléchir à mon entrée à l’ENA ». Papa sera heureux,
maman fière, et ils te laisseront de la marge pour les dix prochaines années…
Pour l’ENA, n’essaies même pas, tu n’es pas calibrée pour avoir la tête dans le
guidon ! T’es une artiste !
Artiste, justement. Depuis
le temps qu’on te dit que tu écris tes mémoires (la cousine Irène vers tes 8
ans, rappelle-toi !), écris-les et envoies-les aux éditeurs du cru. N’attends
pas le déluge ou un chevalier frappant à ta porte. Tu as du talent. Tout le
monde le dit depuis des années. Tu sais ce que tu veux être. Vas-y !
Fonce, ma fille ! Tu as l’avantage de savoir qui tu es, là, à l’intérieur !
Apprécies toutes tes
années avec ta « petite sœur », bientôt une vraie petite sœur et un petit frère vont arriver et
tu vas être très heureuse de les avoir ! Ah, oui, frappe un grand coup sur
la table et dis à papa qu’il peut aller « voir ailleurs si tu y es »
et que tu es ton « seul maître », ça évitera de gâcher quelques
années.
Quand tu rentreras dans
la salle de classe et apercevra Meilleure Amie, timide, habillée comme une
poupée Bella, avec son sourire de Madone, ne la snobe pas ! Va la voir dès
le premier jour au lieu de faire la belle avec les mecs de la Comm. Car, au
final, Meilleure Amie est toujours là, pas eux. Et elle a galéré pour t’approcher
compte tenu de ta propension à la froideur polaire que tu dégageais (dégages
toujours un peu).
T’as 16 ans, t’es
amoureuse (et donc un peu crétine), douée, belle, intelligente, sensible (trop, diront
certains), t’es aimée par tes grands-parents, tes parents, cousins, cousines,
etc. Alors, arrête d’imaginer que « personne ne t’aime ». T’es un peu
chiante avec cette parano ! L’autre aussi t’aime (bon, ça, ce n’est pas la
meilleure partie). Et le petit brun aux yeux verts qui n’arrête pas de te taquiner…
et ce n’est pas pour être ton partenaire au foot, abrutie ! Je te confirme qu'il est choupinet...
Entre 1993 et 2007, tu
auras intérêt à te blinder côté cœur car tu vas perdre beaucoup trop de
personnes auxquelles tu tiens ; Et pas que les « vieux ». Tu
perdras des amis proches et même celui que tu aimes. Alors, oui, tu penseras ne
pas te relever, mais si, au final, tu resteras droite comme i ; L'avantage de ton éducation (ne rien montrer, ne pas se plaindre), des conseils de tes (nos) grands-mères et d'un garçon croisé au hasard dans un train qui te prendra la main sans rien dire et s'effacera deux heures plus tard (et non, je ne sais toujours pas qui il était).
Ah, oui, les cicatrices ?
Laisses tomber, ce n’est pas important. Ne focalises pas sur ça. Et puis, les
tatouages feront le reste.
Ah, oui, les tatouages ?
Comment dire… Tu y penses déjà et rien qu’à voir la tête de maman, tu te dis
que tu vas oublier… Et ben, non. Elle s’y fera (comme papounet… Heu, oui, c’est
son nom maintenant…) !
Suis ton intuition sur
les gens. N’oublie pas. Je te le dis comme ça, au cas où tu en douterais. Tu
vas croiser des gens que tu « ressentiras » et tu auras peur de cette
inspiration. Il n’y a pas de raison. Jusqu’à présent, tu t’es rarement trompée
sur tes amis.
Voilà, sinon, tout va
assez bien. Tu es plutôt heureuse aujourd’hui. Je suis assez fière de toi car
tu es restée fidèle à tes idées (la maxime familiale, penses à la maxime
familiale !) et à tes goûts.
Tu écris toujours et tu as publié un roman cet été (en 2013, donc !), tu
écoutes de la musique (ah, oui, ça !), tu lis, tu aimes toujours le cinéma
(et tu pleures toujours à la fin d’Explorers !), tu achètes toujours
autant de livres et tu as enfin trouvé celui que tu voulais depuis tes dix ans
(le bouquiniste du Cours Julien aura ce livre dans exactement deux ans et trois
mois !) et tu passeras de longs moments dans « ton pays » avec
tes amis. Saint Martial sera toujours aussi beau le matin et le soir et tu te
sentiras toujours libre là-bas.
Je ne t’en dis pas
plus, sinon, je te connais, tu vas stresser intérieurement et tu vas te gâcher
la vie (ah, dernier conseil, enlève cette vésicule biliaire dès aujourd’hui.
Insistes auprès du chirurgien, même s’il te prend pour une folle ! Sinon,
tu vas en prendre pour 20 ans !).
Je t’embrasse. Je suis
fière de toi.
Sois pas trop sage et
amuses-toi bien ! La vie n’est que folie après tout… "les folies sont les
seules choses qu’on ne regrette jamais [...]" (c’est d’Oscar !).
Ah, oui, je te donne un indice pour 1990 .... Blur... tu verras, c'est drôlement étonnant.. ça te changera de D², Depeche Mode, the Cure, et la clique (et ça reposera, quelques temps, les oreilles de maman).
xx
Lisa
PS : Bon anniversaire, ma belle (puisque c'est aujourd'hui ! Tu vois, j'ai pensé à tout !)
PS bis : Ne bois pas ce verre de Vodka ce soir ou alors après que l'autre t'ai dit ce qu'il a te dire (tu vois bien qu'il se dandine d'un pied sur l'autre en fixant le sol, ce grand imbécile !), sinon, tu vas te demander si tu as bien entendu (comme maintenant.... y'a des baffes qui se perdent encore) et vous allez vous disputer sur le quai de la gare dans 15 jours. Je dis ça, je dis rien. Au final, cela n'a rien changé... mais les adieux n'étant pas ton fort (y compris maintenant), tu vas bêtement fuir et le regretter quand tu retrouveras la lettre à la Toussaint !
PS ter : tu ressembles vaguement à ça maintenant (désolée) !
la chanson de tes 16 ans :
Pet Shop Boys "West End Girls"
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