"Mes coups de cœur (et de gueule) sur les livres, les voyages, la musique, les films, la photographie, la peinture, et le reste ! Bref, tout et rien à la fois !
Et surtout, rappelez-vous, en lisant ce blog, que je suis avant TOUT un auteur !"
Comme toutes les années, je revendique un devoir de mémoire envers l'Histoire.
Aujourd'hui, en souvenir des hommes qui sont tombés lors de la Première Guerre Mondiale, des hommes qui en sont revenus traumatisés mentalement et physiquement, et ceux qui ont eu la chance d'être épargnés, sans oublier les femmes restées en arrière, voici un coquelicot pour exprimer mes sentiments et ma reconnaissance envers toutes ces personnes.
"Mes Hommes" aussi sont présents dans mon esprit aujourd'hui.
Il n'y a peu quelqu'un m'a demandé le pourquoi du comment d'une marguerite sur ma cheville avec des initiales...
J'ai alors expliqué que c'était en hommage à une fille fantastique, partie beaucoup trop tôt, et qui ne devait jamais être oubliée ne serait-ce qu'un bref instant...
Puis, soudain, c'est réalisé que cela ferait 20 ans le 2 juillet, aujourd'hui.
C'est pourquoi, aujourd'hui, pas de Playlist, mais uniquement cette vidéo faite pour elle, uniquement pour elle.
Jamais je ne m’aventure à parler de toi hormis deux ou trois anecdotes idiotes qui font sourire les tiers.
Je garde nos apartés, nos discussions subtiles et passionnées, nos têtes à têtes nocturnes et nos longues conversations sur l’avenir uniquement pour moi.
C’est trop dur. Trop intense.
Difficile de faire l’impasse sur toi en vieillissant… En passant, les années font que tu manques encore et toujours, sous différentes formes, à différents moments.
C’est juste étrange cette sensation de sécurité quand je repense à ces moments précis.
Alors, comme tous les jours depuis qu'elle n'est plus présente, elle est toujours là, quelque part en moi (et tatouée sur mon pied), autour de moi, et surtout (si vous y croyez un peu) elle se manifeste de temps à autre (pour me remettre sur le droit chemin ?).
Quoiqu'il en soit, et quoiqu'il arrive, elle aura marquée définitivement ma vie en me donnant les valeurs et les bases de mon éducation et m'aura guidée discrètement sur la ligne de conduite que j'applique (essaie, oui, je sais) tous les jours et qui était à son image :
un océan de droiture
avec un (gros) zeste de folie, de la pudeur et d’originalité
agrémenté d'un devoir de mémoire.
On a souvent ri et on a pleuré aussi… Mais c'était juste la vie...
Parce que dans une voiture, lors de la négociation d'un virage, j'ai repensé à un souvenir lié à mes grands-parents et que cette chanson est revenue dans ma tête !
La Grande Guerre a, comme dans tous les villages et villes de France, causé de nombreuses victimes parmi la population. Saint-Martial Viveyrols a perdu 21 hommes entre 1914 et 1918. J’ai toujours été intriguée par ces hommes, qui sont devenus, par mes recherches, « mes hommes ». J’ai vécu avec eux pendant quelques mois et je suis heureuse qu’ils soient reconnus dans ce papier.
Voici, donc, « mes » hommes qui sont morts pour la France, selon l’ordre du monument aux morts :
François Champarnaud
Marcel Cazenave
Paul Blois
Fernand Audigay
Jean-Louis Mastrenchard
Roger Blois
Albert Rougier
Louis Forgeron
Émile Mesnard
Pierre Gouin
Jean Bregeat
François Etourneau
Ulysse Elie
Louis Monceyron
Georges Elie
Roger de Gandillac
Émile Moreau
Henri Roby
Etienne Trijassou
Adolphe Trijassou
Élie Moreau
Albert Bertrand
Dans le cimetière, parmi tous, il y avait un nom sur une simple pierre, sans fioriture, ni plaque d’émail pour célébrer la mention « Mort pour la France». Une simple mention gravée dans la pierre « Louis Geandraud, Mort pour la France ».
Je passais devant à chaque fois pour aller chercher de l’eau. Je saluais sa mémoire en lui disant à haute voix :
« Bonjour Monsieur, belle journée, n’est-ce pas ? ».
Cela faisait rire les vieilles du village (et amies de ma grand-mère) qui avaient, pour certaines, « bien connu » le garçon en question.
Louis Geandreau (l’orthographe de l’état civil) est resté spécial à mes yeux car même s'il n'est pas enterré dans un carré terreux et il réside, en esprit, ici sans le côté « mémoire des poilus » de ses autres camarades de la Grande Guerre.
Je me suis attachée à lui (entichée aussi).
Sans le connaître vraiment, j’ai trouvé triste que sa "tombe" soit toujours non fleurie, sans visite, avec de la terre à l’intérieur de l’enceinte en pierre. J’ai fait des recherches notamment dans la bibliothèque familiale et j’ai trouvé mon poilu.
il est alors devenu comme un vieil ami à qui je rends visite à chaque fois et à qui je parle, quelque fois, comme à un vieux compagnon de route.
Louis et moi (oui, on est désormais un peu intimes), on a une relation particulière. Je lui apporte des fleurs et un peu de présence, et lui, me donne ses mots.
Car Louis Geandreau est né à la Roche-Chalais en Dordogne (à une bonne trentaine de kilomètres de mon village) le 2 janvier 1885. Il vivait normalement, sans plus de gloire que les autres.
Il était juste un garçon particulier qui écrivait de la poésie et du théâtre en vers.
Ses écrits sont restés quelque part dans les greniers de nos grands-parents, dans certains vieux livres ou dans les vieilles bibliothèques perdues dans les cantons environnants.
Edmond Rostand disait de lui « Il avait l’enthousiasme alerte et spirituel. C’est un vrai poète » et Camille Le Senne rajoutait que « son théâtre est mieux que du théâtre, c’est du rêve »[3].
Parmi ses écrits on trouve des poèmes (« Le Ciel dans l’eau », 1917, Fasquelle Ed.), des proses (« Le Képi sur l’Oreille », « Miettes » -chroniques) et du théâtre en vers (« Au Clair de la lune », « Professeur », « L’Eveil », « Matamore », « La Nuit de février », « Muse et Musette », « Le Marquis de Carabas », et avec Guillot de Saix « La Belle au cœur dormant », « Narcisse », « Jean de La Fontaine » et « Gaulthier l’Oyseau »).
Il était un auteur et poète qui comptait dans son coin de Périgord et même plus loin encore. Il était un homme de mots et de beauté de la langue.
Désormais, il est là, dans ce cimetière, inconnu de la plupart, anonyme par les autres, un poilu parmi tant d’autres. Pas pour moi.
Parmi ses poèmes, j’ai toujours eu un faible pour celui-ci :
Les Deux Infinis
Les nuages s’en vont, voiles lentes et blanches
Dans les cieux qu’on dirait des océans calmés,
Et la voile, nuage aux blancheurs d’avalanches,
Frôle la mer, ce ciel aux vœux toujours clamés.
Ciel et mer. Les rivaux de l’infini s’épanchent,
Se guettent en jaloux et veillent sans chômer ;
Les cieux conciliants sur l’océan se penchent,
Mais l’océan rageur ne veut pas désarmer.
Et, toujours entre eux deux, le duel recommence :
Le ciel calme, la mer bavant comme un venin
Son écume vers lui, d’un calme léonin.
Parfois le ciel dépêche à ce flot en démence
Un grand oiseau de paix. L’oiseau part en éclair
Puis porte aux cieux songeurs le refus de la mer.
Louis Geandreau accompagne souvent mes pensées et il est présent tous les jours à l’ombre de ce mur de pierre, derrière l’église forteresse qui, depuis le 11e siècle, en a vu d’autres tomber à ses pieds.
Il y a des jours où on se lève le matin et le passé nous hante.
Aujourd'hui, c'est 96 personnes qui vont marcher à mes côtés toute la journée... Elles seront là, dans mes pensées, mes actes et y demeureront jusqu'à la fin de ma vie (pourvu qu'elle soit longue)...
Je voulais juste que ceux qui liront ce papier, aujourd'hui, aient une pensée pour ceux qui sont morts ce 15 avril 1989 dans les gradins d'un stade de foot, et pour ceux qui restent....
Chaque 31 octobre, je m'amuse à allumer mes bougies - citrouilles, à regarder les enfants quémander des bonbons, à aller au pub irlandais du coin pour fêter ça (Halloween, pour ceux dont la date ne dit rien)...
Mais dans un coin de mon cerveau, un autre bougie s'allume en mémoire d'un gentil garçon...
Alors, comme tous les 31 octobre, c'est encore à lui que je pense du matin au soir.
Cela fait 20 ans aujourd'hui...
River Phoenix
1970 - 1993
Il est présent tous les jours sur ma cheville droite...