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Tuesday, November 11, 2014

Commémoration du 11 novembre : Louis, mes hommes et moi

reprise améliorée de deux articles pour commémoration du 11 novembre :




La Grande Guerre a, comme dans tous les villages et villes de France, causé de nombreuses victimes parmi la population. Saint-Martial Viveyrols a perdu 21 hommes entre 1914 et 1918. J’ai toujours été intriguée par ces hommes, qui sont devenus, par mes recherches, « mes hommes ». J’ai vécu avec eux pendant quelques mois et je suis heureuse qu’ils soient reconnus dans ce papier.

Voici, donc, « mes » hommes qui sont morts pour la France, selon l’ordre du monument aux morts :

François Champarnaud
Marcel Cazenave
Paul Blois
Fernand Audigay
Jean-Louis Mastrenchard
Roger Blois
Albert Rougier
Louis Forgeron
Émile Mesnard
Pierre Gouin
Jean Bregeat
François Etourneau
Ulysse Elie
Louis Monceyron
Georges Elie
Roger de Gandillac
Émile Moreau
Henri Roby
Etienne Trijassou
Adolphe Trijassou
                                                        Élie Moreau
                                                           Albert Bertrand
    




Dans le cimetière, parmi tous, il y avait un nom sur une simple pierre, sans fioriture, ni plaque d’émail pour célébrer la mention « Mort pour la France ». Une simple mention gravée dans la pierre « Louis Geandraud, Mort pour la France ».

Je passais devant à chaque fois pour aller chercher de l’eau. Je saluais sa mémoire en lui disant à haute voix : 
 « Bonjour Monsieur, belle journée, n’est-ce pas ? ».

Cela faisait rire les vieilles du village (et amies de ma grand-mère) qui avaient, pour certaines, « bien connu » le garçon en question.

Louis Geandreau (l’orthographe de l’état civil) est resté spécial à mes yeux car même s'il n'est pas enterré dans un carré terreux et il réside, en esprit, ici sans le côté « mémoire des poilus » de ses autres camarades de la Grande Guerre.

Je me suis attachée à lui (entichée aussi). 

Sans le connaître vraiment, j’ai trouvé triste que sa "tombe" soit toujours non fleurie, sans visite, avec de la terre à l’intérieur de l’enceinte en pierre. J’ai fait des recherches notamment dans la bibliothèque familiale et j’ai trouvé mon poilu.

il est alors devenu comme un vieil ami à qui je rends visite à chaque fois et à qui je parle, quelque fois, comme à un vieux compagnon de route.

Louis et moi (oui, on est désormais un peu intimes), on a une relation particulière. Je lui apporte des fleurs et un peu de présence, et lui, me donne ses mots.

Car Louis Geandreau est né à la Roche-Chalais en Dordogne (à une bonne trentaine de kilomètres de mon village) le 2 janvier 1885. Il vivait normalement, sans plus de gloire que les autres. 

Il était juste un garçon particulier qui écrivait de la poésie et du théâtre en vers.

Ses écrits sont restés quelque part dans les greniers de nos grands-parents, dans certains vieux livres ou dans les vieilles bibliothèques perdues dans les cantons environnants.

Edmond Rostand disait de lui « Il avait l’enthousiasme alerte et spirituel. C’est un vrai poète » et Camille Le Senne rajoutait que « son théâtre est mieux que du théâtre, c’est du rêve »[3].



Parmi ses écrits on trouve des poèmes (« Le Ciel dans l’eau », 1917, Fasquelle Ed.), des proses (« Le Képi sur l’Oreille », « Miettes » -chroniques) et du théâtre en vers (« Au Clair de la lune », « Professeur », « L’Eveil », « Matamore », « La Nuit de février », « Muse et Musette », « Le Marquis de Carabas », et avec Guillot de Saix « La Belle au cœur dormant », « Narcisse », « Jean de La Fontaine » et « Gaulthier l’Oyseau »).

Il était un auteur et poète qui comptait dans son coin de Périgord et même plus loin encore. Il était un homme de mots et de beauté de la langue.

Désormais, il est là, dans ce cimetière, inconnu de la plupart, anonyme par les autres, un poilu parmi tant d’autres. Pas pour moi.

Parmi ses poèmes, j’ai toujours eu un faible pour celui-ci :


Les Deux Infinis
Les nuages s’en vont, voiles lentes et blanches
Dans les cieux qu’on dirait des océans calmés,
Et la voile, nuage aux blancheurs d’avalanches,
Frôle la mer, ce ciel aux vœux toujours clamés.
Ciel et mer. Les rivaux de l’infini s’épanchent,
Se guettent en jaloux et veillent sans chômer ;
Les cieux conciliants sur l’océan se penchent,
Mais l’océan rageur ne veut pas désarmer.
Et, toujours entre eux deux, le duel recommence :
Le ciel calme, la mer bavant comme un venin
Son écume vers lui, d’un calme léonin.
Parfois le ciel dépêche à ce flot en démence
Un grand oiseau de paix. L’oiseau part en éclair
Puis porte aux cieux songeurs le refus de la mer.


Louis Geandreau accompagne souvent mes pensées et il est présent tous les jours à l’ombre de ce mur de pierre, derrière l’église forteresse qui, depuis le 11e siècle, en a vu d’autres tomber à ses pieds.




Monday, June 10, 2013

Oradour-Sur-Glane ou le devoir de mémoire

L’année prochaine, le 10 juin 2014, il y aura 70 ans. 

70 ans qu’une seule division (la tristement célèbre Das Reich composée de Waffen SS et de 14 alsaciens incorporés (13 « Malgré-nous » et un volontaire) fit 642 victimes dans un village du Limousin : Oradour-sur-Glane.

642 personnes : hommes, femmes et enfants. Massacrés par la Das Reich sur la route du repli depuis le Massif Central.

7 rescapés : une femme, un enfant, cinq hommes. Fin de l’histoire.

Quand on apprend cela à l’école ou ailleurs, on n’a du mal à réaliser que ces habitants, tranquilles, n’ayant rien fait de mal, puissent avoir été assassinés comme des animaux.

Mais quand on visite le lieu, on comprend vite l’horreur et l’indicible silence qui vous saisit vaut largement plus que toutes les images, photos et récits que vous pourrez consulter.

Alors, lorsque on apprend simultanément la mort de Heinz Barth (responsable du massacre, chef de section de la 3e compagnie du 1er bataillon du régiment blindé « Der Führer » ; il a été condamné à la prison à vie en 1983 lors d’un procès en ex-RDA, puis libéré en 1997 pour raisons de santé. Il fut étonné lors dudit procès il y ait eu « des survivants »…) le 6 août 2012 et, que quelques mois après, l’information d’un rachat par Walt Disney se dévoile, et qu’en sus, la question de l’entretien de tout ou partie des bâtiments se pose comme en avril dernier, notamment par la municipalité qui la justifie par la charge financière - dont 150 à 200 000 euros financés par l’Etat – comme raison à la possibilité de laisser le temps faire son œuvre : on se remet à penser à ses 642 personnes.

Après un procès à Bordeaux devant le Tribunal Militaire en 1953, la justice est loin d’avoir été rendue. Les bourreaux d’Oradour-sur-Glane meurent les uns après les autres et rien ne semble venir réparer ceci.
Cependant un procureur et un commissaire principal allemands, à Düsseldorf, enquêtent depuis de longs mois sur la reconstitution des évènements et essayent d’établir les responsabilités de chacun des hommes de la Das Reich

Je ne m’étendrai pas sur le contexte histoire de la Guerre Froide où de nombreux officiers de la Waffen-SS étaient alors protégés, pour des raisons strictement politiques, par leurs anciens alliés anglais et américains ; ni sur la controverse des « malgré-nous » qui a déchiré la population et notamment les relations entre le Limousin et l’Alsace, ni encore sur les positions prises par les divers partis politiques de l’époque.

Non, ceci n’est pas de mon ressort. Je ne m’insurgerai que sur le devoir de mémoire (encore et toujours). Je refuse d’abandonner les souvenirs, les monuments, les lieux et les actes passés sous prétexte qu’il faut « avancer » dans la vie. On peut avancer rapidement en gardant en mémoire ce qui fait que nous soyons là, libres de nos choix, de nos vies et de notre éducation.

Mes souvenirs et le poids du passé de ma famille (et de l’Histoire) ne m’ont jamais empêchés de me projeter dans le futur et d’envisager quelque chose de plus beau. L’idéalisme m’a été transmis comme un cadeau et le devoir de mémoire comme un trésor de guerre.

Je revendique ce devoir de mémoire. Du passé, il ne faut pas en faire table rase, mais s’en servit comme tremplin.

Il y a plein d’exemples dans l’Histoire récente qui nous prouve qu’oublier et ignorer n’aident pas à construire quelque chose de mieux, mais que l’Histoire est réellement un perpétuel recommencement. Le sachant, il devient plus facile d’affronter l’horreur quotidienne.



Pour en revenir à Oradour-sur-Glane…

J’ai grandi dans la région d’à côté (le Périgord) où la Das Reich est passée aussi et aurait pu fait subir un tel sort à n’importe quel petit village de mon canton. J’ai insisté pendant des années avant qu’une amie de ma grand-mère décide de m’y conduire. J’ai alors visité ce village-martyr à l’aube de mon adolescence.

Je ne peux m’empêcher d’imaginer l’outrage que ce serait si l’on abandonnait certaines maisons ou pans de maisons à la démolition naturelle.
Certains pourront ergoter que tout ceci coûte cher, que dans le contexte actuel et avec les technologies modernes, les images, les films et les témoignages audio valent largement quelques vieilles pierres sensibles au temps.

Je pense, justement, que les pierres demeurent plus réelles que n’importe quel témoignage.

Qu’une image est nettement plus forte qu’une parole.

J’ai, pour cela, en tête, deux images fortes : un insigne de Waffen-SS posé sur la table d’une cuisine avec un sourire satisfait et un numéro tatoué sur l’avant-bras d’un homme qui me sourit tristement mais fièrement.

Pour la première image, le sourire de cet homme reste gravé dans ma mémoire et je me refuse d’oublier sa façon de me toiser, moi, toute jeune adulte, et de me dire que finalement le « travail n’a pas été fini correctement ». Sa satisfaction envers cet insigne et ce qu’il représentait pour lui m’ont poussé à lui tenir tête et à lui dire doucement que « finalement le temps allait finir par le rattraper ». Il m’a regardée et m’a dit « Jeune fille, ce que nous avons fait ne sera jamais oublié. Jamais. Vous en êtes la preuve vivante. Et c’est là ma plus belle satisfaction ». J’ai frissonné intérieurement mais je n’ai pas tremblé. Pas devant lui.


Pour la deuxième image, j’ai longtemps regardé ce tatouage sans rien dire. Je savais ce qu’il représentait. Je savais pourquoi, comment et surtout où, cet homme que j’aimais beaucoup, l’avait eu. Je savais ce qu’il avait perdu là-bas. J’avais vu les lieux et j’ai senti le poids sur mes épaules. Il s’est passé des années avant qu’il ne m’en parle, un soir, sur un bord de trottoir. Je n’ai pas posé de questions car il n’y avait rien à dire de plus que ce qu’il me disait. J’ai lu ses mots après sa mort et, malgré tout le sens et l’horreur qu’ils décrivent, rien ne vaudra jamais ses chiffres sur son bras et sa joie de vivre. Il était la preuve vivante que l’insigne n’avait pas gagné la partie.

C’est ce devoir de mémoire que j’entends respecter. 


Wednesday, December 19, 2012

Devoir de mémoire.....

Pour certains, effacer le passé semble (et ressemble) à un devoir de mémoire. Pourtant, rien n’est plus hideux qu’un monde sans passé.
J’entends bien que le passé est le passé et que l’avenir est le seul mot qui soit important. Mais, à mon humble avis, le seul qui vaille encore le coup est : présent.
Dans le présent, il faut une dose de passé pour pouvoir entrevoir l’avenir. Sans passé, rien ne peut réellement être présenté décemment.
De nos jours, pourtant, tout y passe, on écrase les fichiers, on détruit les papiers, on jette les documents, on oublie les noms, on découpe les pièces… Du passé, faisons table rase !
Je m’insurge contre cette manière de traiter les anciens (tableaux, papiers, gens, etc.) et je n’adhère pas à cette politique.
Je suis pourtant largement heureuse de vivre dans mon époque. Même si certaines autres, pour des raisons purement historiques et mélancoliques, m’auraient attirées, je ne regrette rien. La condition féminine étant ce qu’elle est de nos jours, je suis grandement mieux adaptée à cette vie plutôt à celle de mes arrière-grands-mères.
Cependant, je n’oublie pas le passé et j’aime ce sentiment d’appartenance. Il coule dans mes veines suffisamment de couleurs, de culture et d’amour pour que je n’occulte pas l’antériorité de mon histoire.
Cela est pareil pour l’histoire d’une ville, d’un pays, d’une entreprise. On ne peut pas gommer les personnes nous ayant précédé uniquement par narcissisme, orgueil, vantardise ou même stupidité.
Il nous faut perpétuer l’histoire et l’Histoire. Cheminer vers l’avenir avec les acquis des anciens.
L’Histoire n’est pas d’un agrégat de vieux papiers, de vieux récits ou d’inepties de « vieux ». Le devoir de mémoire est fondamental pour ne pas oublier, pour ne pas reproduire et pour se sentir libre des droits obtenus tout au long des siècles.
Dernièrement, l’effacement d’un bout d’Histoire décroché d’un mur m’a profondément révolté. Non pas que cela me touchait directement (je ne collectionne pas les plaques commémoratives… pas encore !), mais j’estimai, sur le moment, que cela manquait d’un certain sens du souvenir collectif.
Le fait de la vanité d’un homme ne doit pas occulter ses prédécesseurs, ni tenter de masquer le côté communautaire d’une œuvre, quelle qu’elle soit (architecturale, historique, artistique, etc.). Cette volonté de dissimuler la trace d’une existence est parfaitement immorale.
Nous ne sommes que de passage et notre trace dans l’Histoire ne sera pas plus distinctive dans quelques années (quelques décennies ?) que tous ceux qui nous ont précédés et qui ont été les témoins de l’Histoire.
Tous ces oubliés des livres et des légendes, ceux qui ont donné leurs vies, leurs âmes, leurs idéaux pour voir un seul homme arriver à changer une once de terrain qui a fait que nous en sommes là aujourd’hui.
Sans toute cette Histoire et leurs histoires, nous ne pourrions pas imaginer l’avenir avec tout le recul, l’envie et l’excitation que nous ressentons aujourd’hui.
Alors, un nom sur une plaque n’est pas synonyme de passé et d’échec, mais relève plus de la reconnaissance, plus ou moins avérée dans certains cas, du groupe envers ceux qui étaient en tête sur le champ de bataille.
A choisir un camp, j’aurais largement préféré celui de la collectivité plutôt que le commandement, car je n’ai aucune ambition, ni vanité, à être marquée dans le marbre.
J’estime que nous sommes tous une pierre apposée sur les fondations de l’humanité et que nous ne sommes, donc, à ce titre, que des petits personnages nécessaires pour ceux qui viendront après coup.
L’Histoire est équitablement belle quand on y prête attention et quand on ne veut pas la revisiter avec le regard contemporain.
Il faut laisser les erreurs et les bravoures dans leur contexte, et surtout, ne pas vouloir influencer l’avenir en effaçant les fautes des anciens.
Il faut juste apprendre et appréhender l’Histoire, pas la réinventer, ni l’interpréter.

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